Des botanistes décrivent « l’orchidée la plus laide du monde »

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Crédits : Eric Burian

Les jardins botaniques royaux de Kew, en Angleterre, ont annoncé cette semaine leur liste de nouvelles espèces pour l’année 2020. Parmi elles figure « l’orchidée la plus laide du monde ».

Les botanistes des jardins botaniques royaux de Kew, au Royaume-Uni, publient régulièrement une liste de nouvelles espèces de plantes et champignons récemment découvertes. On dénombre pour cette année 2020 pas moins de 156 entrées, dont les deux tiers sont des orchidées. Parmi elles figure Gastrodia agnicellus, originaire de Madagascar, affectueusement surnommée « l’orchidée la plus laide du monde » par les botanistes.

Remarquable pour son parfum musqué et rose, cette orchidée évolue sous terre durant une grande partie de l’année, profitant du sol humide de la forêt. Elle émerge finalement en août et septembre pour fleurir (petites fleurs charnues couleur vert-brun) et fructifier sous l’humus des feuilles, avant de disparaître à nouveau sous terre.

Notez qu’en réalité, cette plante n’est pas « nouvelle ». Isolée dès les années 90 près d’Ifanadiana, dans le sud-est de Madagascar, Gastrodia agnicellus avait pendant tout ce temps été confondue avec une autre espèce nommée G. madagascariensis. Plusieurs expéditions sur le terrain, menées en 2017 puis en 2019, ont finalement permis de constater que les fleurs étaient très différentes de celles du G. madagascariensis. Et donc qu’il s’agissait d’une espèce non reconnue.

De nombreuses inconnues

Comme pour les autres membres du genre Gastrodia, cette orchidée n’a pas de feuilles, et dépend d’une relation avec un champignon pour obtenir les nutriments dont elle a besoin pour survivre. Grossièrement, le champignon extrait les nutriments tels que le carbone du sol, ou d’autres plantes, et l’orchidée absorbe ce dont elle a besoin de ce même champignon.

Notez que toutes les orchidées reposent sur une telle relation à un moment donné de leur cycle de vie, mais leur dépendance s’estompe ensuite avec le temps. Pour G. agnicellus, en revanche, cette relation est encore incomprise. On ne sait toujours pas quelle espèce de champignon est impliquée, ni combien de temps dure cette relation. Des missions futures pourront éventuellement permettre de répondre à ces questions.

On ne sait pas non plus comment cette plante est pollinisée. En revanche, nous savons que des fourmis ont été observées rampant dans et hors des fleurs, probablement pour se servir en nectar, selon les botanistes. C’est donc une piste à suivre. Là encore, des études supplémentaires seront nécessaires pour le confirmer.

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Floraison de G. agnicellus. Crédits : J. Hermans, Bot de Curtis. Mag., 2020

Décrire pour mieux protéger

En plus de soutenir leur écosystème, les botanistes pensent que nombre de ces nouvelles espèces représentent probablement une source de revenus pour les communautés locales. Elles pourraient également contribuer au développement de médicaments ou de carburants plus verts. Néanmoins, certaines sont probablement déjà menacées en raison de la dégradation de leur habitat, estiment les botanistes. Cependant, les décrire est une première étape essentielle si nous voulons assurer leur protection.

« Dans une année aussi difficile, il est tellement excitant de voir la science botanique et mycologique se poursuivre, avec une liste exceptionnelle d’incroyables espèces nouvellement nommées documentées », a déclaré le Dr Martin Cheek, principal auteur du projet. « Cependant, la sombre réalité qui nous attend ne peut être sous-estimée : avec deux plantes sur cinq menacées d’extinction, c’est une course contre la montre pour trouver, identifier, nommer et conserver ces espèces avant qu’elles ne disparaissent ».

« Nous espérons que cette liste incitera les gens à prendre conscience de la beauté et de l’importance vitale des plantes et des champignons à travers le monde », conclut le chercheur.