La sortie du très attendu film « Oppenheimer » de Christopher Nolan ce mercredi est l’occasion de revenir sur l’un des entretiens du physicien J. Robert Oppenheimer après le premier essai nucléaire réussi du projet Manhattan.
« Maintenant, je suis devenu la Mort, le destructeur des mondes »
Né le 22 avril 1904, Julius Robert Oppenheimer est l’un des scientifiques les plus importants du vingtième siècle. Expert dans les domaines de la mécanique quantique, de l’électrodynamique quantique et de l’astrophysique, il est surtout connu pour son rôle de directeur scientifique du projet Manhattan qui aboutit au développement de la première bombe atomique pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est en effet lui qui dirigea les efforts pour développer cette arme de destruction massive, supervisant les travaux de recherche et de construction des laboratoires de Los Alamos, au Nouveau-Mexique.
Le 16 juillet 1945, Oppenheimer et d’autres personnes impliquées dans le projet assistèrent à la première explosion nucléaire. Deux bombes atomiques furent ensuite larguées sur le Japon, tuant des centaines de milliers de citoyens et mettant fin à la Seconde Guerre mondiale. Oppenheimer, conscient de l’incroyable potentiel destructeur de cette arme atomique, ressentit alors un énorme sentiment de culpabilité. « J’ai l’impression d’avoir du sang sur les mains« , avait-il déclaré au Président Truman.
Dans une célèbre interview pour un documentaire intitulé « La décision de larguer la bombe », il prononça également les mots suivants, se rappelant quelle fut la réaction de son équipe après le succès de la première explosion nucléaire le 16 juillet 1945 au Nouveau-Mexique : « Nous savions que le monde ne serait plus le même. Quelques personnes ont ri. Quelques personnes ont pleuré. La plupart des gens se sont tus », a-t-il déclaré. « Je me suis alors rappelé ces vers du poème hindou : la Bhagavad Gita. Vishnu tente de persuader le prince qu’il doit faire son devoir et, pour l’impressionner, prend sa forme à plusieurs bras et dit, « maintenant, je suis devenu la Mort, le destructeur des mondes ». Je suppose que c’est ce que nous ressentions tous, d’une manière ou d’une autre« .
Rejeté par le gouvernement
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale et le succès du projet Manhattan, J. Robert Oppenheimer s’opposa vivement à l’expansion de l’arsenal nucléaire américain avec des bombes à hydrogène (bombes H). Malheureusement, le génie était comme on dit déjà sorti de la bouteille. Au cours des années suivantes, le gouvernement américain intensifia en effet ses efforts pour développer des armes nucléaires encore plus puissantes.
En 1953, Oppenheimer fut ensuite appelé à témoigner lors d’une audition de sécurité devant la Commission de l’énergie atomique des États-Unis. Lors de cet interrogatoire, il exprima ses inquiétudes concernant l’expansion de l’arsenal nucléaire, ce qui ne manqua pas de soulever des préoccupations quant à sa loyauté envers le gouvernement. Un an plus tard, la Commission de l’énergie atomique révoqua finalement son accès aux informations classifiées, invoquant des raisons de sécurité nationale. Cette décision fut à l’époque largement critiquée et controversée, suscitant un débat sur la liberté d’expression des scientifiques et le rôle de la dissidence dans le contexte de la politique nucléaire.