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Les ondes de choc des astéroïdes ont-elles permis à la vie d’émerger ?

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Crédits : iStock

Les ondes de choc des astéroïdes ont-elles permis à la vie d’émerger, fournissant l’énergie nécessaire à la formation de l’ARN ? Une équipe de chercheurs franco-tchèque a récemment revisité la célèbre expérience de Miller en recréant les conditions de la Terre primitive.

En 1952, l’expérience de Miller, destinée à mettre en évidence une éventuelle origine chimique de l’apparition de la vie sur Terre, consista à simuler les conditions supposées régner originellement après la formation de la croûte terrestre. L’expérience nous aura montré que même si nous ne savons pas encore à ce jour avec certitude comment les premières cellules vivantes se sont formées sur Terre, au moins certains de leurs blocs moléculaires pourraient avoir été produits par des réactions chimiques simples rendues possibles par les conditions qui régnaient sur notre planète encore primitive.

La Terre primitive était dotée d’une atmosphère privée d’oxygène (une atmosphère réductrice) et de masses d’eau chaude contenant de l’azote et des molécules à base de carbone telles que l’ammoniac et le méthane. Miller et Urey ont en 1952 dissous ces deux composés dans un ballon d’eau stérile avec de l’hydrogène gazeux. Ils ont laissé reposer une semaine avant de « choquer » la solution avec de l’électricité pour simuler les impacts d’éclairs. Ils ont alors découvert les acides aminés glycine, alpha alanine et bêta alanine avec des indices d’acide aspartique et d’acide alpha-aminobutyrique, démontrant ainsi qu’au moins quelques-uns des blocs de construction des protéines pourraient être obtenus sans processus biologique complexe.

C’était en fait bien plus que cela. Une étude de leur matière conservée réalisée en 2008 grâce à de meilleurs instruments aura finalement isolé 14 acides aminés et cinq amines. Un étudiant de Miller a même suggéré qu’une quarantaine de composés auraient pu être produits. Plus d’un demi-siècle plus tard, une équipe de chercheurs franco-tchèque s’est inspirée de cette expérience dans le but d’étendre la liste d’ingrédients potentiels de cette soupe chimique aux origines de la vie. En revanche pour cette étude, les chercheurs n’étaient cette fois-ci pas à la recherche d’acides aminés, mais d’un autre bloc de construction organique appelé formamide. Les polymères d’ARN sont constitués de quatre types d’unités : l’adénine, la guanine, la cytosine et l’uracile, tous fabriqués à partir de formamide.

Tout comme Miller et Urey, ces chercheurs pensent que l’atmosphère de la Terre antique était probablement légèrement réductrice, mais ils ont cette fois-ci remplacé le méthane de l’expérience originale pour le monoxyde de carbone et laissé de côté l’hydrogène gazeux. Comme prévu, leur soupe résultante contenait effectivement des quantités significatives de formamide et de cyanure d’hydrogène : « La molécule de formamide ne joue pas directement le rôle de démarrage du substrat, mais il est plutôt un intermédiaire suspecté de réactions allant de simples mélanges de prébiotiques modèles à des biomolécules », ont écrit les chercheurs dans un rapport.

En d’autres termes, ces nouveaux expérimentateurs pensent que le formamide pourrait être encouragé à réagir dans les bases d’ARN par l’intervention de rayonnement UV ou d’un autre catalyseur. Ils notamment pensé au plasma d’une onde de choc intense comme celles produites par les impacts d’astéroïdes il y entre 3,5 et 4 milliards d’années. En simulant ces ondes de choc, les chercheurs ont alors détecté toutes les nucléobases canoniques de l’ARN : l’uracile, la cytosine, l’adénine et la guanine, ainsi que l’urée et l’acide aminé le plus simple, la glycine : « Ces résultats confirment l’idée qu’une atmosphère composée de NH3 + CO + H2O peut se substituer au formamide pur et agir comme un environnement de départ non seulement pour la formation d’acides aminés, mais aussi de nucléobases d’ARN », écrivent-ils dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.

Aussi infimes soient les quantités décelées, l’expérience aura au moins montré que l’apparition de certains composés communs à l’ARN était plausible dans une atmosphère dite « réductrice », même si les conditions existant sur Terre à l’époque sont encore controversées. L’équipe a également montré que les bases d’acide nucléique pourraient se décomposer en produits qui contribuent à rendre l’atmosphère plus réductrice. Ces produits peuvent à leur tour réagir pour transformer en nucléobases. Certes, de telles expériences pourraient ne pas prouver définitivement la manière dont la vie s’est « assemblée » à partir d’atomes, mais elles ouvrent au moins la voie à des tremplins possibles que la vie pourrait prendre pour émerger ailleurs dans l’Univers.

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