Dans le cadre d’une étude révolutionnaire, des chercheurs ont réussi à capturer les tout premiers enregistrements cérébraux de pieuvres en mouvement libre en implantant des électrodes dans le cerveau de ces animaux et en les connectant à des enregistreurs sous leur peau. Les données collectées ont permis d’identifier une onde cérébrale qui n’a jamais été observée auparavant chez les animaux, ainsi que des ondes similaires à celles trouvées chez l’Homme. Les détails de ces travaux sont publiés dans la revue Cell.
Des animaux étonnants, mais encore énigmatiques
Les pieuvres et les céphalopodes en général sont depuis longtemps considérés comme des animaux très intelligents pour plusieurs raisons. Ces animaux peuvent en effet notamment résoudre des problèmes complexes, comme l’ouverture de bocaux ou la navigation dans des labyrinthes, grâce à une capacité d’apprentissage rapide et à une mémoire à long terme impressionnante. Ils sont également capables de changer rapidement leur comportement et leur apparence pour s’adapter à leur environnement. Nous savons aussi que les pieuvres utilisent un langage corporel optimisé (avec des signaux visuels et tactiles) pour communiquer avec d’autres espèces. (Demandez à ces pauvres poissons.)
Cependant, l’esprit des pieuvres peut être difficile à sonder. En effet, leur cerveau contient un très grand nombre de neurones organisés en de nombreux lobes distincts. Les activités sensorielles et motrices de leurs huit bras flexibles sont également à la fois autonomes et coordonnées par un système nerveux central complexe.
Par ailleurs, ce ne sont pas les meilleurs sujets d’étude. Chez d’autres espèces, lier l’activité cérébrale au comportement se fait en implantant des électrodes et en corrélant directement l’activité électrique avec le comportement animal observé. Cependant, étant donné que les pieuvres ne possèdent aucune structure dure sur laquelle un équipement d’enregistrement peut être fixé et qu’elles utilisent leurs huit bras flexibles pour retirer tout corps étranger attaché à l’extérieur de leur corps, ces travaux ont toujours été compliqués.
Dans la tête des pieuvres pour la première fois
Pour contourner ce problème, des chercheurs ont inséré chirurgicalement des dispositifs de suivi médical dans la tête de trois spécimens captifs. Ils ont également placé des capteurs de données légers souvent utilisés sur les oiseaux entre leurs yeux avant de les connecter à des électrodes insérées dans une région du cerveau des pieuvres responsable de l’apprentissage et de la mémoire. Les scientifiques ont ensuite enregistré les pieuvres pendant une douzaine d’heures alors qu’elles vaquaient à leurs occupations.
Première surprise : les modèles enregistrés ont permis d’identifier des ondes cérébrales très similaires à celles trouvées dans l’hippocampe humain. Pour les auteurs, il pourrait d’agir d’une évolution neurologique convergente, qui se produit quand deux animaux distincts développent le même trait indépendamment l’un de l’autre. En effet, rappelons que le dernier ancêtre commun des humains avec les pieuvres était un ver plat chalutier des fonds marins qui vivait il y a environ 750 millions d’années.
Autre surprise : les chercheurs ont également identifié des ondes qu’ils n’avaient jamais vues auparavant. Longues et lentes, elles ne se répétaient que deux fois par seconde. Pour l’heure, on ignore leur fonction. Des enregistrements supplémentaires seront donc nécessaires pour le définir. Il serait notamment intéressant d’effectuer le même type d’étude pendant que les pieuvres accomplissent des tâches bien définies.