On sait enfin ce qui fait pâlir « Le Cri » d’Edvard Munch

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Crédits : Domaine public/Wikimedia Commons

Nous pensions jusqu’à présent que la lumière faisait pâlir les couleurs jaunes de la célèbre peinture de 1910 d’Edvard Munch, Le Cri (The Scream). Une étude récente démontre que son impact est en réalité mineur. La vraie coupable, c’est l’humidité.

C’est sans doute l’une des oeuvres d’art moderne les plus célèbres. Le Cri, d’Edvard Munch, est immédiatement reconnaissable : un ciel tourbillonnant dans les tons rouges et jaunes, un visage déformé avec la bouche grande ouverte qui semble exprimer un son de détresse. L’artiste norvégien a réalisé quatre versions de « The Scream » entre 1893 et ​​1910. Toutefois, la dernière est sans doute la plus emblématique.

Des couleurs qui pâlissent

Avant les années 1880, les peintres utilisaient des pigments dérivés d’ingrédients naturels. Néanmoins, l’essor de la production synthétique autorisa davantage de variété et de dynamisme dans la gamme de peintures disponibles, permettant aux artistes de créer des toiles lumineuses et hautement saturées. Cependant, ces nouvelles peintures n’ont pas été testées pour leur longévité. De fait, de nombreuses oeuvres de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle ont « changé de couleur » au fil du temps.

C’est malheureusement le cas pour ce tableau de Munch. Certaines parties de la toile se dégradent, en particulier les tons jaunes qui tendent maintenant vers le « blanc cassé ». Si certains restaurateurs avaient initialement pointé du doigt la lumière comme principale responsable de la décoloration du tableau, comme c’est souvent le cas pour les oeuvres réalisées avec des peintures à l’huile, ce n’est en réalité pas la source du problème pour Le Cri.

Une équipe internationale dirigée par le CNR italien a récemment utilisé des méthodes spectroscopiques non invasives et des techniques de rayons X synchrotron pour étudier en détail la nature des différents pigments utilisés par le peintre et comment ils se sont dégradés au fil des ans.

« Ces travaux nous ont permis de constater que la principale responsable de la décoloration de la peinture est l’humidité« , explique Letizia Monico, principale auteure de l’étude publiée dans Science Advances. « Nous avons également constaté que l’impact de lumière dans la peinture est mineur« .

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Edvard Munch, Le cri, 1910. Crédits : Wikipédia

Une peinture « bas de gamme »

Pourquoi l’humidité ? Comme le souligne Koen Janssens, coauteur de l’étude et chimiste de l’Université d’Anvers, ces nouvelles recherches suggèrent que Munch a utilisé de la peinture de « mauvaise qualité » qui endommage désormais son travail.

« Il s’est avéré qu’au lieu d’utiliser du sulfure de cadmium pur comme il aurait dû le faire, il a apparemment également utilisé une version sale, une version pas très propre qui contenait des chlorures« , explique le chercheur. « Je ne pense pas que c’était une utilisation intentionnelle. Nous sommes en 1910, et à ce moment-là, l’industrie chimique produisant les pigments est bien présente, mais cela ne signifie pas qu’ils ont le même contrôle de la qualité d’aujourd’hui« .

Ce sont donc ces impuretés qui, même sous de faibles niveaux d’humidité, provoquent une décoloration et une desquamation des tons jaunes de la peinture. Une information cruciale pour les restaurateurs du Musée, qui conservaient jusqu’à présent le tableau dans une pièce consacrée sous un faible éclairage et à 50% d’humidité.

Il va donc falloir repenser la stratégie. À l’occasion de ses rares sorties face au public, il faudra par exemple bien veiller à ce que l’air expiré des spectateurs n’atteigne pas la toile.

Cette nouvelle découverte peut avoir des implications pour la conservation des oeuvres créées avec des peintures similaires. Néanmoins, la chimiste Letizia Monico avertit que chaque peinture est unique. Il faut donc déterminer les plans de conservation au cas par cas.

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