On peut remonter le temps grĂ¢ce au « caca » des chauves-souris

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Excellents engrais, les déjections de chauve-souris constituent également un registre fiable des changements climatiques. L’analyse d’échantillons de guano de chauve-souris (matière fécale) vieux de 1 200 ans aura notamment permis à des chercheurs d’appréhender certains des changements climatiques les plus importants survenus en Europe au cours de cette période.

Le terme « guano » désigne les déjections des oiseaux marins et des chauves-souris. Le guano est utilisé dans le domaine de l’agriculture pour fertiliser les sols. Il s’agit d’ailleurs d’un engrais organique d’origine animale. Mais saviez-vous que ces fientes pouvaient également nous permettre de remonter le temps, à défaut de pouvoir extraire des carottes de glace, ou océaniques ? Dans la région des monts Apuseni, dans le nord-ouest de la Roumanie, des générations de chauves-souris se sont d’ailleurs succédées pendant plus de mille ans, laissant au sol une véritable pile de guano haute de 3 mètres. Fumante, infestée de champignons et de cafards, elle n’en reste pas moins utile à la science.

Une Ă©quipe de chercheurs de l’UniversitĂ© de Floride du Sud, menĂ©e par Bogdan Onac et Daniel Cleary, s’est donc rĂ©cemment appuyĂ©e sur « cette montagne de caca » pour forer une carotte de sĂ©diments, lui permettant, comme certains pourraient le faire avec des carottes de glace, d’étudier les conditions climatiques passĂ©es de cette rĂ©gion du monde en sondant les fluctuations chimiques. Les chercheurs, qui dĂ©taillent leurs travaux dans la revue Scientific Reports, expliquent sâ€™Ăªtre principalement penchĂ©s sur la chitine, une molĂ©cule retrouvĂ©e dans les exosquelettes d’insectes (ingĂ©rĂ©s par les chauves-souris) qui permet de mesurer les quantitĂ©s d’isotopes d’azote.

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Un isotope est une variante d’un Ă©lĂ©ment ayant un poids atomique diffĂ©rent. Deux isotopes stables d’azote existent dans la nature : N-14 et N-15. L’isotope N-14 est beaucoup plus abondant, Ă  la fois dans l’atmosphère de la Terre et dans le tissu vĂ©gĂ©tal et animal. N-15 est plus rare et plus lourd, et son rapport au N-14 peut Ăªtre utilisĂ© pour suivre les changements dans le cycle de l’azote — le grand processus de biochimie englobant notre planète. En analysant les 10 centimètres les plus hauts des sĂ©diments de guano, puis en comparant les rĂ©sultats avec les relevĂ©s mĂ©tĂ©orologiques de la rĂ©gion, les chercheurs ont Ă©tĂ© en mesure d’établir un modèle très clair de la correspondance entre les isotopes d’azote et les prĂ©cipitations hivernales.

Durant les pĂ©riodes plus humides, N-15 Ă©tait beaucoup plus abondant, ce qui est logique Ă©tant donnĂ© que la disponibilitĂ© de l’eau a un impact sur la quantitĂ© d’azote qui traverse la chaĂ®ne alimentaire, du sol jusqu’aux plantes, pour finir dans les fientes. GrĂ¢ce Ă  ces donnĂ©es, ils ont ensuite pu extrapoler les conditions mĂ©tĂ©orologiques jusqu’en 1 650, rĂ©vĂ©lant comment le phĂ©nomène mĂ©tĂ©orologique connu sous le nom d’oscillation nord-atlantique (NAO) avait influencĂ© le climat local. Des rĂ©sultats importants, plus les chercheurs seront en effet en mesure de comprendre les changements climatiques passĂ©s et plus ils seront en mesure d’apprĂ©hender les changements futurs.

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