On planait déjà près d’Ibiza durant l’âge du bronze

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Vue d'artiste du rituel de la teinture des cheveux à Es Càrritx. Crédits : Oriol Garcia i Quera, ASOME-Universitat Autònoma de Barcelona

L’analyse de mèches de cheveux humains prélevées sur un site funéraire à Minorque, en Espagne, suggère que les anciennes civilisations humaines de la région utilisaient des drogues hallucinogènes dérivées de plantes. Ces découvertes, rapportées dans Scientific Reports, représentent la plus ancienne preuve directe de l’usage de drogues anciennes en Europe.

La consommation humaine de plantes médicinales est une tradition qui remonte à plusieurs milliers d’années. En combinant de nombreux domaines d’études, il a en effet été possible de faire remonter cette habitude à la préhistoire en Eurasie et dans les Amériques.

Les substances altérant l’esprit sont généralement déduites à partir de preuves indirectes, telles que la typologie et la fonction de certains artefacts éventuellement liés à leur préparation ou à leur consommation (récipients en poterie, mortiers en pierre, fumoirs, etc.), ainsi que des restes botaniques. Il est également possible d’identifier des restes d’agents psychoactifs. L’analyse chimique de ces résidus archéologiques peut, là encore, fournir des preuves indirectes de la consommation de drogues dans le passé. Des alcaloïdes de l’opium ont notamment été détectés dans des conteneurs de l’âge du bronze tardif dans plusieurs parties du monde.

Les preuves directes de la consommation de drogues par les populations anciennes proviennent de l’analyse chimique des restes humains. Cependant, ces preuves sont relativement rares, d’où l’intérêt de cette nouvelle découverte. Des fouilles archéologiques menées dans la grotte funéraire et cultuelle de l’âge du bronze d’Es Càrritx, à Minorque (îles Baléares) ont en effet permis de collecter plusieurs mèches de cheveux impliquées dans un rite funéraire singulier.

Des alcaloïdes il y a 3 000 ans

Nous savons que la grotte a été occupée pour la première fois il y a environ 3 600 ans et qu’elle abritait une chambre funéraire. Des recherches antérieures suggèrent qu’environ 210 personnes ont été enterrées dans cette chambre. Cependant, les mèches de cheveux de certains individus seulement ont été teintes en rouge, placées dans des récipients en bois et en corne décorés et placées dans une chambre scellée séparée plus loin dans la grotte. Ces mèches datent d’environ 3 000 ans.

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Un échantillon de cheveux anciens d’Es Càrritx. Crédits : ASOME-Université autonome de Barcelona

Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs ont testé l’une de ces mèches de cheveux en utilisant deux techniques : la chromatographie liquide et la spectroscopie de masse à haute résolution. Ils ont alors identifié la présence d’atropine, de scopolamine et d’éphédrine. Les deux premiers se trouvent dans les plantes de la famille des solanacées, le dernier se trouve dans certains arbustes et pins.

Ces trois composés sont des alcaloïdes qui peuvent provoquer des délires, des sensations d’excitation et des poussées d’énergie, entre autres effets lorsqu’ils sont ingérés. Les chercheurs postulent que ces plantes pourraient avoir été utilisées dans le cadre de cérémonies rituelles dirigées par des chamans.

Le fait que ces restes aient été identifiés dans des mèches de cheveux n’est pas surprenant. Les médicaments présents dans le sang peuvent en effet se frayer un chemin jusqu’aux racines avant d’être incorporés parfois dans la tige. En se basant sur l’analyse des segments de cheveux et sur leur taux de croissance moyen, les chercheurs estiment que l’individu testé a ingéré des plantes psychoactives pendant près d’un an avant sa mort.