Imaginez une balle qui grimpe toute seule le long d’un mur, lentement mais sûrement, sans moteur, sans aide, sans aucun mécanisme externe. Une prouesse qui semble tout droit sortie d’un film de science-fiction ou d’un sketch de cartoon. Et pourtant, c’est exactement ce que des chercheurs de l’Université de Waterloo, au Canada, sont parvenus à faire dans un laboratoire de physique.
Ce petit miracle d’ingénierie molle défie notre intuition — et les lois bien établies de la mécanique classique. Car jusqu’à maintenant, un tel mouvement était tout simplement… impossible.
Pourquoi une balle ne peut normalement pas rouler sur un mur
Dans la physique du quotidien, pour qu’un objet roule, il faut de la friction. Et pour qu’il y ait friction, il faut qu’il y ait une force pressant l’objet contre la surface. Sur une surface horizontale, cette force est tout simplement le poids de l’objet. Mais sur un mur vertical ? Rien. La force normale — c’est-à-dire la composante du poids perpendiculaire à la surface — est nulle. Résultat : aucune friction, donc aucune possibilité de roulement. Une balle rigide, aussi parfaite soit-elle, ne ferait que tomber.
Jusqu’ici, les seuls moyens connus de faire grimper une balle sur un mur impliquaient :
soit de la coller (mais elle n’avance plus),
soit de lui donner une force externe (comme un moteur ou un champ magnétique),
soit d’utiliser une surface tournante ou inclinée.
Mais sans aucune de ces aides ? Oubliez. C’était, jusqu’à aujourd’hui, considéré comme impossible.

L’astuce : une balle molle et un mur qui cède un peu
Le secret de l’équipe canadienne ? Une approche inspirée des matériaux mous. Les chercheurs ont fabriqué une balle très élastique, semblable à un bonbon gélatineux, et l’ont posée sur une surface légèrement déformable, comme un tapis de souris.
Et là, surprise : la balle a commencé à grimper doucement, à raison de 1 millimètre toutes les deux secondes, sans glisser, sans tomber, sans propulsion.
Ce mouvement est rendu possible par un mécanisme aussi élégant qu’inhabituel. Lorsque la balle entre en contact avec le mur, sa forme se déforme légèrement : l’avant s’aplatit, créant une adhérence asymétrique, tandis que l’arrière se détache lentement. Ce mouvement de bascule génère un petit couple de rotation, suffisamment fort pour faire tourner — et avancer — la balle vers le haut. C’est un peu comme si elle ouvrait une fermeture éclair invisible entre elle et le mur.

Une découverte qui bouscule la physique classique
Il ne s’agit pas simplement d’un joli tour de passe-passe de laboratoire. Ce que ces chercheurs ont démontré, c’est qu’il existe une nouvelle forme de locomotion passive, qui n’a pas besoin de moteur ni de poussée, mais qui repose uniquement sur les interactions entre l’élasticité d’un objet et celle de sa surface de contact.
C’est la première fois qu’un tel mécanisme est observé et modélisé expérimentalement. Jusqu’à présent, les modèles théoriques ne prédisaient pas cette possibilité — et la plupart des physiciens auraient probablement parié que cela ne fonctionnerait jamais.
Des applications futuristes… mais pas si lointaines
Bien que cette découverte en soit encore au stade fondamental, elle pourrait à terme ouvrir des perspectives fascinantes. On pense notamment à :
des robots mous capables de grimper sur des surfaces complexes sans adhésifs,
des dispositifs médicaux pouvant se déplacer dans des environnements étroits ou délicats (comme l’intérieur du corps humain),
des engins d’exploration capables de se déplacer dans des milieux sans gravité ou aux surfaces instables, comme les grottes, les tuyaux ou les planètes extraterrestres.
Bref, une innovation qui fait doucement mais sûrement son chemin… vers des applications bien concrètes.
Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Soft Matter.