On pensait les dinosaures incapables de faire ce genre de chose

dinosaures prise de perspective visuelle
Crédits : Warpaintcobra/istock

L’avènement de la prise de perspective visuelle représente un événement clé dans l’évolution de la cognition sociale. Il marque en effet le passage d’un cadre de référence unidirectionnel à un cadre multidirectionnel dans les situations sociales, fournissant des informations sur le monde qui resteraient autrement hors de portée. Une récente étude publiée dans Science Advances nous révèle que certains dinosaures étaient dotés de telles capacités.

Prise de perspective visuelle

La perspective visuelle est un processus cognitif nous permettant de percevoir et de comprendre les objets, scènes ou autres situations en fonction de notre point de vue ou de notre position dans l’espace. Elle implique donc la capacité de se représenter mentalement des perspectives différentes de celles que nous observons directement. Pour ce faire, notre cerveau tient ainsi compte de divers indices, comme la taille relative, le chevauchement, la convergence des lignes parallèles, les gradients de texture ou encore les changements de couleur ou de luminosité.

Par exemple, si vous observez un bâtiment depuis un certain angle, vous pouvez reconnaître que les murs sont perpendiculaires au sol et que le toit est au-dessus. Si vous vous déplacez vers un autre point de vue, votre perception de la perspective changera en conséquence, et cela vous paraîtra tout à fait normal.

La prise de perspective visuelle d’autrui marque une étape cognitive encore plus avancée. Il s’agit essentiellement de la capacité de reconnaître que tout le monde ne voit pas le monde de la même manière que nous. Chez les humains, cette étape cruciale dans le développement mental se produit entre 18 mois et deux ans. Vers l’âge de trois ans, nous sommes ensuite en mesure de reconnaître que si quelqu’un regarde quelque chose que nous ne pouvons pas voir, alors nous devrions peut-être nous déplacer pour comprendre de quoi il s’agit.

Cela étant dit, nous savons que certains animaux en sont aussi capables. C’est notamment le cas de nombreux primates, des chiens et des loups, mais aussi des corbeaux, ce qui prouve que ce n’est pas quelque chose d’exclusif aux mammifères.

Cependant, malgré son rôle essentiel pour la cognition sociale, la prise de perspective visuelle n’a été étudiée que de manière fragmentaire chez les animaux, laissant son évolution et ses origines inexplorées.

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Crédits : Orla/istock

Au temps des dinosaures

Pour tenter de combler ce manque de connaissances, une équipe de l’Université de Lund, en Suède, a étudié les archosauriens existants (un clade de diapsides regroupant les crocodiliens et les oiseaux) en comparant les oiseaux les moins développés sur le plan neurocognitif (les paléognathes) avec les plus proches parents vivants des oiseaux, les crocodiliens.

Pour rappel, les paléognathes sont un groupe d’oiseaux comprenant certaines des espèces les plus anciennes et les plus primitives. Ils incluent plusieurs familles d’oiseaux, notamment les autruches, les émeus, les casoars, les nandous, les kiwis et les tinamous.

D’après l’étude, ces analyses ont démontré que les paléognathes étaient effectivement capables de s’engager dans une prise de perspective visuelle et de saisir la référentialité des regards, contrairement aux crocodiliens.

Cela suggère que ce type de capacité est née chez les premiers oiseaux ou les dinosaures non aviens, probablement plus tôt que chez les mammifères. D’après les chercheurs, ces derniers ont probablement acquis les mêmes capacités beaucoup plus récemment. Après tout, la plupart des premiers mammifères étaient nocturnes avant que l’astéroïde responsable de la disparition des dinosaures ne leur permette de sortir en toute sécurité à la lumière du jour pour combler les niches écologiques vacantes. Or, la prise de perspective visuelle ne parait pas vraiment utile dans l’obscurité.

Les chercheurs doutent également que les premiers dinosaures aient eu plus de perspective visuelle que les crocodiliens étant donné la similitude de leur cerveau avec les alligators. On ne sait pas non plus si les dinosaures contemporains des paléognathes en étaient capables. Qui sait, vous auriez peut-être pu tromper un T-Rex en faisant semblant de regarder quelque chose d’imaginaire…