On connait maintenant la cause de la désintégration récente d’immenses plateformes glaciaires en Antarctique

Crédits : Calyponte / Wikimedia Commons.

Selon une nouvelle étude publiée dans la revue scientifique Nature, le retrait de la banquise autour de la péninsule antarctique a permis à la houle générée par les dépressions de déclencher la désintégration de plusieurs plateformes de glace au cours de ces dernières décennies. 

Dans un contexte de réchauffement global, plusieurs dislocations massives de plateformes de glace se sont produites le long de la péninsule Antarctique au cours des dernières décennies. Dans le cadre de l’étude présentée dans cet article, ont été analysées les désintégrations des barrières de glace du Larsen  A en 1995 – une perte de 860 km² en 2 jours et de 1600 km² en 39 jours -, du Larsen B en 2002 – une perte de 3320 km² entre le 31 janvier et le 17 mars 2002 -, et de celle de Wilkins en 2008 et 2009 – perte de respectivement 850 km² et 1450 km². On notera que la barrière de glace du Larsen C, la plus vaste des trois, a connu une désintégration partielle en 2017, estimée à 5800 km² (10 % de la plateforme) mais qui n’est pas analysée dans cette étude.

La compréhension de ces événements représente un enjeu important, car l’effondrement de plateformes de glace contribue indirectement à la hausse du niveau des mers. En effet, lorsqu’une barrière se disloque ou se fragmente partiellement, l’écoulement glaciaire en provenance du continent s’accélère. Cela équivaut alors à un transfert de masse – d’eau en l’occurrence – du continent vers l’océan. Environ 74 % de l’inlandsis antarctique est bordé par des plateformes de glace ou des glaciers dont la partie basse flotte et forme un arc-boutant qui limite ledit écoulement. Le potentiel d’une accélération massive du transfert de masse vers l’océan par des processus purement dynamiques est donc élevé.

Une étude publiée le 23 juin dernier dans la revue Nature met en avant un processus non pris en compte par les modèles de dynamique glaciaire et qui participe activement à ces désintégrations. Il s’agit du rôle de la glace de mer. En l’absence de banquise protectrice, la houle générée par les dépressions plus au nord peut se propager vers les côtes sans rencontrer d’obstacles. Depuis 1980 au niveau de la péninsule antarctique, la glace de mer s’est significativement réduite, ce qui a augmenté l’exposition des plateformes de cette région à la houle océanique. Elles sont de ce fait beaucoup plus impactées par les effets délétères des vagues qui viennent en quelque sorte les éroder et les fragiliser.

Pour les événements analysés, ces plateformes avaient été préalablement affaiblies par des processus tels que la fusion basale, la formation de fracturations liées à la percolation de l’eau de fonte provenant de lacs en surface, etc. La houle est intervenue en tant que facteur initiateur de la dislocation, en élargissant les crevasses et failles préexistantes et en enclenchant le vêlage d’icebergs. Vêlage qui s’est ensuite propagé à plus grande échelle en lien avec le pré-conditionnement cité précédemment, et aboutissant à la désintégration totale ou partielle des barrières de glace.

Afin de mieux prévoir l’évolution future des barrières de glace en réponse au réchauffement global, ces éléments signalent le besoin de prendre en compte la dynamique de la banquise ainsi que celle de la houle initiée par les systèmes dépressionnaires dans les modèles de calottes. L’inlandsis de l’Antarctique constitue la source majeure des incertitudes concernant les prévisions de la hausse du niveau des mers. Or, les plateformes sont en mesure de moduler fortement cette contribution par effet d’arc-boutant. Dans les 3 cas de désintégrations étudiées, l’effondrement a été initié pendant une période où la glace de mer était notoirement réduite ou absente et où la houle était importante.

Selon un des co-auteurs du papier, le docteur Phillip Reid, cela suggère que le lien entre la perte de glace de mer et l’instabilité des plateformes glaciaires a été sous-estimé jusqu’à présent. « Notre étude souligne l’importance de comprendre les mécanismes responsables des tendances concernant la glace de mer, en particulier dans les régions où elle agit comme un tampon protecteur contre les processus océaniques », a-t-il déclaré.

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