On a retrouvé la matière manquante de l’Univers

Crédits : Illustration artistique / ESO/M. Kornmesser

Après deux décennies de doutes, une équipe d’astronomes a récemment pu déceler la présence de la « matière manquante » de l’Univers, jusqu’alors invisible aux « yeux » des télescopes.

Tout ce que nous pouvons détecter dans l’Univers est composé de particules baryoniques : vous, les étoiles, les planètes, les nébuleuses, le plasma et même les trous noirs. La quantité totale de matière baryonique – également connue sous le nom de matière normale ou ordinaire – dans l’Univers peut être estimée sur la base de l’analyse du fond diffus cosmologique, un rayonnement fossile émis environ 380 000 ans après le Big Bang. L’analyse de ce rayonnement nous dit qu’il devrait y avoir dans l’Univers une certaine quantité de matière « ordinaire ». Or, jusqu’à présent, il nous manquait de cette dernière.

« Les baryons manquants représentent l’un des plus grands mystères de l’astrophysique moderne », a déclaré l’astronome Fabrizio Nicastro de l’Observatoire astronomique de Rome. « Nous savons que cette matière doit être là, nous la voyons dans l’Univers primitif, mais nous ne pouvons la saisir ».

Il manquerait environ 30 % de matière baryonique (rappelons que la matière baryonique ne représente que 5 % de la matière totale, le reste étant de la matière noire et de l’énergie sombre). Les scientifiques soupçonnent depuis un moment que cette matière manquante pourrait être présente dans de vastes nuages de gaz sous forme de filaments entre les galaxies. Mais comment de telles structures ont-elles jusqu’ici échappé aux observations ?

Principalement composés d’hydrogène, ces nuages sont à la fois très peu denses et très chauds, leur température allant jusqu’à quelques millions de degrés. Ils sont donc fortement ionisés (il n’y a plus d’électrons). Et sans électrons, la matière ne peut être détectée par les techniques classiques de spectroscopie. Mais quelques atomes d’oxygène (plus lourds que l’hydrogène) auraient finalement pu maintenir quelques électrons, trahissant ainsi leur présence.

Pour détecter cette matière quasi invisible, les chercheurs se sont appuyés sur un quasar appelé 1ES 1553, une galaxie avec un trou noir très actif en son centre. Les quasars sont parmi les objets les plus brillants de l’Univers. Cette lumière peut être utilisée pour éclairer tout ce qui se trouve entre nous et elle – et dans ce cas, c’était un filament de gaz très chaud. Entre 2015 et 2017, l’équipe de recherche a utilisé l’observatoire spatial à rayons X XMM-Newton de l’ESA pour observer le quasar pendant 18 jours. « Après avoir examiné les données, nous avons réussi à trouver la signature de l’oxygène dans le gaz intergalactique chaud entre nous et le quasar lointain, à deux endroits différents le long de la ligne de vue », explique le chercheur.

La quantité de matière décelée était alors conforme à celle estimée. « Nous pouvons enfin combler l’écart dans le budget baryon de l’Univers », poursuit le chercheur. En utilisant d’autres quasars, de nouvelles équipes d’astronomes pourraient alors commencer à dresser une carte de la distribution, de la température et du contenu de cette matière.

Vous retrouverez tous les détails de cette étude dans la revue Nature.

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