L’eau conduit l’électricité, c’est un fait. Mais ce processus, l’un des plus fondamentaux en chimie et en biologie, intrigue les scientifiques depuis des décennies. Une récente étude tend néanmoins à faire la lumière sur ce procédé considéré comme l’une des plus mystérieuses courses de relais de la nature.
Nous dire que l’eau est un formidable conducteur d’électricité n’est pas surprenant en soi, c’est d’ailleurs un fait enseigné depuis l’école primaire. Mais ce processus fondamental dans la chimie et de la biologie échappe depuis des décennies à une explication ferme et définitive. Une étude récente menée par des chercheurs de l’Université de Yale, aux États-Unis, nous livre cependant un tableau d’ensemble du processus.
L’étude, menée par Mark Johnson, consistait à observer des molécules d’eau passant le long de protons — des particules subatomiques chargées positivement — en utilisant la spectroscopie, un processus qui permet aux chercheurs de tirer la lumière sur des molécules et de voir ce qui se passe à l’intérieur. Le but étant de comprendre comment les molécules passaient à la manière d’une course de relais le long de particules chargées dans des arrangements complexes. Jusqu’à présent, les chercheurs connaissaient ce processus décrit par le chimiste Theodor Grotthuss en 1806 qui a d’ailleurs donné son nom à ce mécanisme. Mais les détails de ce procédé sont toujours restés un peu troubles.
Le mécanisme sous-tend qu’un excès de protons — les particules subatomiques chargées positivement au sein des atomes — se transmet à travers les liaisons hydrogène des molécules d’eau ou autres liquides comportant des liaisons hydrogène. Par ce mécanisme, une molécule d’eau peut « ramasser » un excès de charge et le transmettre à un voisin presque instantanément. Ces échanges sont fondamentaux pour comprendre le comportement de l’eau dans les paramètres biologiques et industriels. Mais ils sont également si rapides et les vibrations entre les molécules si grandes que le processus ne peut être capturé en utilisant la spectroscopie traditionnelle.
Les chercheurs ont alors eu l’idée de geler le processus, leurs permettant ainsi de visualiser le mécanisme Grotthuss grâce à des sortes d’« instantanés spectroscopiques ». « Nous avons découvert une sorte de pierre de Rosette qui révèle l’information structurelle codée en couleurs “ a déclaré Mark Johnson. ‘Nous avons été en mesure de révéler une séquence de déformations concertées comme les images d’un film”. Cette nouvelle étude permettra aux chercheurs de mieux appréhender la conductivité de l’eau au niveau moléculaire, un phénomène qui nous maintient en vie et crucial dans de nombreuses réactions chimiques sur Terre.
L’étude permettra aussi une meilleure compréhension des processus chimiques qui se produisent à la surface de l’eau. Il existe aujourd’hui un débat parmi les scientifiques quant à savoir si la surface de l’eau est plus ou moins acide que la majeure partie de l’eau. Cette nouvelle technique d’imagerie pourrait répondre à cette question une bonne fois pour toutes.