La grippe aviaire continue de faire des ravages parmi les populations d’oiseaux sauvages. Parmi les plus touchés, les oiseaux de mer, déjà confrontés à de nombreuses menaces environnementales, doivent maintenant faire face à une nouvelle réalité : leur mode de vie, notamment le kleptoparasitisme, pourrait accélérer la propagation du virus. Une étude récente met en lumière comment cette stratégie de vol alimentaire, utilisée par des espèces telles que les frégates et les labbes, les rend particulièrement vulnérables et vecteurs potentiels de la maladie.
La menace H5N1
Les oiseaux de mer occupent une place essentielle dans l’écosystème marin. Avec 362 espèces réparties sur tous les océans, ils jouent un rôle clé dans la chaîne alimentaire et contribuent à l’équilibre écologique des îles où ils se reproduisent. Cependant, presque la moitié des espèces d’oiseaux de mer sont actuellement classées comme « quasi menacées » ou « en danger » sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Parmi ces espèces, 56 % voient leur population diminuer.
Les oiseaux de mer doivent composer avec plusieurs menaces, telles que les prédateurs envahissants (rats, souris), la pêche excessive qui épuise leurs proies naturelles, le changement climatique, la destruction des habitats, ou encore la capture accidentelle par les bateaux de pêche. Cependant, une autre menace plane depuis quelques années : la grippe aviaire. Le virus H5N1 serait en effet déjà responsable de la mort de plus de 280 millions d’oiseaux dans le monde depuis 2020.
Le kleptoparasitisme : une tactique risquée en période d’épidémie
Selon une récente étude publiée dans la revue Conservation Letters, l’un des vecteurs de transmission de ce virus en milieu marin est le kleptoparasitisme. Il s’agit d’une tactique utilisée par plusieurs oiseaux de mer, comme les frégates, les labbes et les mouettes, pour se nourrir sans avoir à chasser eux-mêmes. Au lieu de capturer des poissons ou des calmars, ces oiseaux préfèrent harceler d’autres espèces marines qui reviennent de leurs expéditions de chasse. Ces « pirates » du ciel poursuivent leurs cibles, souvent jusqu’à les épuiser, les forçant ainsi à régurgiter la proie durement gagnée.
Si ce comportement opportuniste est essentiel à leur survie, il s’avère également risqué, notamment en période d’épidémie. Ce type d’interaction met en effet les voleurs marins en contact direct avec les autres oiseaux et leurs fluides corporels qui jouent un rôle majeur dans la transmission de maladies infectieuses.
Plus précisément, dans le cas des oiseaux kleptoparasites, la salive des proies, souvent régurgitée sous la contrainte, devient un vecteur direct de transmission. Une fois infectés, ces oiseaux deviennent des agents de propagation, couvrant de vastes territoires et transportant le virus bien au-delà de leur lieu d’infection initial.
Le virus H5N1 constitue une menace d’autant plus grave que les oiseaux marins se reproduisent lentement. Ils élèvent souvent un seul poussin par an, voire tous les deux ans, et mettent plusieurs années à atteindre la maturité sexuelle. Cette lenteur dans leur cycle de reproduction rend difficile la récupération des populations après des pertes massives.
Les mesures à prendre
Bien que la grippe aviaire se soit déjà propagée à travers une grande partie du globe, certaines régions, notamment l’Océanie, la Nouvelle-Zélande et certaines parties de l’Antarctique, n’ont pas encore été touchées. La surveillance des populations d’oiseaux kleptoparasites comme les labbes, les frégates et les mouettes devient ainsi cruciale. Ces espèces, capables de parcourir des milliers de kilomètres, peuvent en effet introduire le virus dans de nouveaux habitats.
Des actions de conservation ciblées, comme la gestion des prédateurs envahissants sur les sites de reproduction et la protection des zones de pêche, seront également essentielles pour limiter l’impact des autres menaces auxquelles ces oiseaux font face.