Vous ne savez pas chanter ? Ces oiseaux non plus… et c’est un gros problème

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Crédits : Salle Lachlan

Les nouvelles générations d’une espèce d’oiseau chanteur en danger critique d’extinction peinent à apprendre les airs dont elles ont besoin pour faire la cour. Sans partitions, pas de partenaires. Et sans partenaires, c’est l’extinction assurée.

Les mĂ©liphages rĂ©gents voyageaient autrefois en nombre, se nourrissant d’eucalyptus et de gui en fleurs de Melbourne Ă  Brisbane. Malheureusement, Ă  mesure que les forĂŞts tempĂ©rĂ©es d’Australie ont Ă©tĂ© dĂ©frichĂ©es au cours des dernières dĂ©cennies, leur population a chutĂ© – d’environ 1500 oiseaux Ă  la fin des annĂ©es 1980, ils sont aujourd’hui moins de 400.  L’espèce est dĂ©sormais classĂ©e en danger critique d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Ces chutes des populations ont eu un effet direct sur les plus jeunes spécimens qui peinent à trouver des congénères plus âgés pour leur apprendre à chanter, rapporte une étude. Résultat : ces oiseaux n’apprennent pas les notes dont ils ont besoin pour faire la cour. Certains essaient bien de compenser en imitant les chants d’autres oiseaux, mais les femelles ne sont pas dupes.

Alors qu’un rendez-vous raté ne serait pas vraiment un problème pour une population en bonne santé, pour une espèce ne comptant qu’une poignée individus répartis dans une zone plus grande que le Royaume-Uni, la perte de la culture du chant représente ce que les chercheurs appellent un « précurseur de l’extinction ».

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Une femelle méliphage régent dans le parc national de Capertee en Australie. Crédits : David Stowe

12 % des mâles concernés

Dans le cadre de ces travaux, les auteurs ont collecté des observations de l’espèce enregistrées entre juillet 2015 et décembre 2019 dans le but d’évaluer la distribution et la densité des populations. Ils se sont ensuite rendus sur le terrain pour enregistrer les chants de plusieurs dizaines de mâles.

Parallèlement, ils ont considéré les chants d’individus recueillis de 1986 à 2011. Résultat : les chercheurs ont relevé des différences importantes entre les vocalises de tous les individus. Globalement, 12 % des mâles de l’étude n’avaient pas appris de chansons spécifiques à leur propre espèce, et plus un oiseau s’écartait de la « norme culturelle régionale », plus son succès reproducteur était réduit.

« Ce sont des conclusions scientifiques soigneusement menées, raisonnables et fondées sur des preuves qui, en quelques courtes pages, décrivent à quoi ressemble l’extinction d’une espèce », conclut David Watson, de l’Université australienne Charles Sturt.

« Ces résultats soulignent l’importance de prendre en compte la diversité culturelle des animaux dans les études de conservation », ajoute la spécialiste du chant des oiseaux forestiers hawaïens Kristina Paxton, de l’Université d’Hawaï à Hilo. « Cette étude ajoute à une compréhension croissante que chez de nombreuses espèces, comme les humains, la perte d’identité culturelle peut avoir des effets considérables sur leur capacité à persister ».

Ross Crates, principal auteur de ces travaux, fait de son côté une analogie humaine avec les sociétés autochtones d’Australie et des États-Unis, dont les langues ont été perdues au sein des populations dont les membres sont devenus trop rares pour les soutenir.