Oiseaux de mer : des yeux écarquillés pour éviter l’extinction

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Crédits : Andres Kalamees

Les filets de pêche maillants emprisonnent et tuent au moins 400 000 oiseaux de mer attirés par les odeurs de poissons chaque année. Une récente étude suggère que des paires d’yeux écarquillés – essentiellement, des épouvantails flottants – pourraient réduire considérablement ces prises accessoires.

Le problème des prises accessoires

Les filets maillants sont des « nappes » de filet suspendues dans l’eau. Même si des espèces particulières de poissons peuvent être ciblées par zone, l’utilisation de cette technique comporte le risque de prises accessoires (capture accidentelle d’espèces non ciblées) et d’interaction avec d’autres animaux marins.

C’est notamment le cas des oiseaux, tels que les Albatros et autres fous de Bassan. Attirés par les odeurs de poissons à plusieurs kilomètres de distance, ces animaux n’hésitent pas à plonger dans l’eau pour saisir un « repas gratuit ». Malheureusement, beaucoup s’emmêlent alors dans les cordes pour finalement se noyer.

Dans le cadre d’une étude publiée en 2013, des chercheurs avaient identifié 148 espèces d’oiseaux de mer sensibles à ces prises accessoires, la plupart dans les régions tempérées et subpolaires des deux hémisphères. Un examen des estimations de prises déclarées suggérait, à l’époque, qu’au moins 400 000 oiseaux mourraient chaque année dans ces filets.

Épouvantails flottants

En 2018, des membres de l’association BirdLife International ont commencé à réfléchir à des moyens de prévenir ces événements.

«Nous pensions que si nous pouvions empêcher les oiseaux de mer vulnérables de plonger trop près des filets maillants en premier lieu, nous pourrions enfin nous attaquer aux prises accidentelles de manière significative», souligne Yann Rouxel, chargé de projet chez BirdLife International. C’est alors que M. Rouxel et son équipe ont eu l’idée d’un épouvantail marin.

Dès lors, l’équipe s’est associée à plusieurs scientifiques de la Société ornithologique estonienne et à des ingénieurs de Fishtek Marine, une entreprise qui fabrique du matériel de pêche, pour mettre au point une nouveau type de bouée aux yeux écarquillés. Tout comme les épouvantails qui bordent les champs, ces dispositifs viseraient à dissuader les oiseaux par l’intimidation en imitant les yeux d’un grand prédateur.

Un prototype a été récemment testé (250 heures d’observation) auprès d’une population de canards plongeurs à longue queue dans la baie de Küdema, en Estonie. Les résultats de cette étude, publiés dans la revue Royal Society Open Science, suggèrent que la présence de ces bouées aux grands yeux peut réduire le nombre de ces oiseaux de 20 à 30 % dans un rayon de cinquante mètres par rapport aux bouées traditionnelles.

En outre, les auteurs ont également découvert que les canards n’hésitaient pas à revenir dans les zones qu’ils avaient quittées une fois les épouvantails retirés. Ces comportements laissent à penser que ces bouées ont bel et bien une influence, mais que celle-ci n’est pas permanente.

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Le poste d’observation déployé pour cette étude. Crédits : Andres Kalamees

Un dispositif à parfaire

Bien que ce prototype se soit montré prometteur, davantage de travaux seront nécessaires pour étendre le concept. Cette bouée est actuellement trop lourde pour être déployée dans les pêcheries aux filets maillants. C’est pourquoi les chercheurs prévoient de développer une version plus petite et plus légère. Des tests seront bientôt menés dans les eaux islandaises.

En cas de succès, ces dispositifs pourraient donc être un jour utilisés à grande échelle pour tenter de réduire les prises accessoires d’oiseaux de mer. En revanche, cette approche ne solutionnera pas le problème à elle seule. D’une part, parce que son efficacité est limitée, mais aussi parce que l’ampleur des prises accidentelles d’oiseaux de mer est probablement sous-déclarée.