Océan : l’expansion des zones déficitaires en oxygène pourrait s’inverser

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Des chercheurs de l’Institut Max-Planck de chimie (Allemagne) et de l’Université de Princeton (États-Unis) ont découvert que la taille des régions océaniques déficitaires en oxygène avait diminué lors des grandes périodes chaudes du passé. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature ce 31 août. 

En étudiant la composition chimique des coquilles de foraminifères préservées dans les sédiments marins, les scientifiques ont pu montrer que de vastes pans de l’océan Pacifique étaient enrichis en oxygène dissous lors des climats chauds du Cénozoïque, il y a seize à cinquante millions d’années. Aussi, contrairement à ce que l’on entend souvent, le réchauffement du climat est ici accompagné par une diminution de la taille des régions de haute mer à faible contenu en oxygène.

Une augmentation inattendue de la concentration en oxygène dissous 

En présence d’un déficit en oxygène dissous, on trouve un processus de dénitrification bactérienne où les isotopes les plus légers de l’azote sont utilisés de façon préférentielle, laissant une signature caractéristique dans les coquilles. Or, les mesures montrent une variation isotopique correspondant à une chute de la dénitrification lors des climats chauds du Cénozoïque, notamment dans la partie tropicale de l’océan Pacifique Nord. L’analyse des isotopes de l’azote est donc sans appel.

On peut dès lors se demander si le réchauffement actuel suivra le même schéma et inversera la tendance actuelle marquée par une augmentation rapide et délétère de l’étendue des zones déficitaires en oxygène dissous. En fait, tout dépend des processus à l’œuvre. « Malheureusement, nous ne savons pas encore si notre découverte est applicable aux décennies à venir ou seulement à beaucoup plus long terme », rapporte Alexandra Auderset, auteure principale de l’étude.

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Épaisseur et localisation actuelles des zones océaniques à faible contenu en oxygène. Crédits : Sarah E. Myhre & coll. 2015.

Un potentiel analogue futur, mais une temporalité à préciser

Pour expliquer cette diminution des zones à faible contenu en oxygène, les chercheurs invoquent deux hypothèses non exclusives. La première implique la réduction du gradient thermique entre les pôles et les tropiques, avec un affaiblissement résultant des alizés. Les remontées d’eaux froides riches en nutriments auraient alors été diminuées au même titre que la productivité biologique à la surface de l’eau. Ainsi, avec moins de matière organique à oxyder, le contenu en oxygène dissous se serait équilibré à des niveaux plus élevés.

La seconde met en scène l’océan Austral. L’accélération de la circulation thermohaline dans cette région aurait pu conduire à une meilleure ventilation des eaux, approvisionnant en oxygène les différents bassins auxquels il est relié. Contrairement au premier processus qui s’articule à l’échelle de plusieurs dizaines d’années, celui-ci prend place à l’échelle de plusieurs siècles. Aussi, selon la contribution relative des deux processus, une réduction des zones déficitaires en oxygène dissous est plausible dès les prochaines décennies ou pas avant plusieurs siècles.

« Nos découvertes ont des implications importantes pour l’avenir de l’oxygène des océans », souligne Daniel M. Sigman, coauteur du papier. « En raison de la plus faible solubilité de l’oxygène dans l’eau chaude, la quantité contenue dans les eaux de surface de l’océan mondial va très probablement continuer à décliner, mais nos découvertes suggèrent que les zones océaniques déficitaires finiront par se rétrécir. Le résultat net sera un océan aux variations spatiales en oxygène plus faibles que celles qui existent aujourd’hui et cela affectera les écosystèmes océaniques ».