Océan austral : les profondeurs de la mer de Weddell se réchauffent à un rythme inquiétant

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Une équipe de chercheurs de l’Institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine a récemment découvert que les profondeurs de la mer de Weddell se réchauffaient à un rythme inquiétant. Des résultats signifiants puisque ce secteur de l’océan austral est connu pour être l’un des moteurs de la circulation océanique mondiale.

Dans un précédent article, nous rappelions que plus de 90 % de la chaleur piégée dans le système climatique par les gaz à effet de serre émis par l’Homme sert à chauffer l’océan. Près de trois quarts de l’énergie impliquée flue au niveau de l’océan austral. Il joue ainsi, avec l’Atlantique nord, un rôle essentiel. En effet, la plongée des eaux qui se produit près du continent Antarctique emmène la chaleur vers les profondeurs et agit de fait comme un thermostat pour le monde de surface.

Toutefois, on sait relativement peu de choses sur ce qu’il advient de cette chaleur une fois que l’eau a plongé. Le manque de moyens d’observation en profondeur étant au cœur du problème. Néanmoins, des chercheurs sont parvenus à recouper des mesures navales effectuées régulièrement en mer de Weddell depuis une trentaine d’années. Le but ? Comprendre comment et à quel point ce secteur de l’océan austral se modifie en contexte de changement climatique. Les résultats ont été publiés dans la revue Journal Of Climate le 15 octobre dernier.

Un enfouissement massif de chaleur en Mer de Weddell

« Nos données montrent une séparation claire dans la colonne d’eau de la mer de Weddell. Alors que l’eau dans les 700 mètres supérieurs s’est à peine réchauffée, dans les régions plus profondes, nous constatons une augmentation constante de la température de 0,0021 °C à 0,0024 °C par an » détaille Volker Strass, auteur principal de l’étude. Il poursuit en rappelant que « l’océan a environ 1000 fois la capacité thermique de l’atmosphère » et donc que « ces chiffres représentent une énorme absorption de chaleur ».

mer de Weddell
Géographie de la mer de Weddell.  Les flèches en rouge et bleu indiquent les systèmes de courants chauds et froids, respectivement. Enfin, les symboles indiquent les différents lieux et trajets de mesures au cours des trois dernières décennies. Crédits : Volker H. Strass & al. 2020.

Les chercheurs rapportent que cette capture de chaleur s’est faite à un taux de plus en plus rapide au cours des 30 dernières années. « Les vents d’ouest, et avec eux le courant circumpolaire antarctique, ne se sont pas seulement déplacés d’un à deux degrés de latitude vers le sud. Ils se sont également intensifiés » explique Torsten Kanzow, co-auteur du papier. « En conséquence, le diamètre du gyre de Weddell a diminué et la vitesse d’écoulement des masses d’eau a augmenté. En raison de ces deux facteurs, plus de chaleur est transportée depuis le courant circumpolaire vers la mer de Weddell aujourd’hui ».

Des impacts incertains sur la circulation océanique mondiale

Finalement, il apparaît que ladite mer a absorbé cinq fois plus de chaleur que le reste de l’océan en moyenne. Ceci, essentiellement sous 2000 mètres de profondeur. Des quantités d’énergie colossales qui se trouvent ensuite redistribuées aux autres bassins du monde par la circulation océanique profonde. Cependant, l’augmentation des températures n’est pas sans conséquence sur la plongée des eaux – élément majeur de la dynamique globale de l’océan.

En effet, plus l’eau est chaude, moins elle est dense. À ce titre, les chercheurs ont d’ores-et-déjà noté une baisse de densité dans les couches les plus profondes. Toutefois, on ne connaît pas encore les répercussions précises de ces évolutions sur la circulation océanique. Par conséquent, les processus à l’œuvre dans cette région du globe devront être attentivement suivi dans les décennies à venir.

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