Vaste géant dont les eaux agitées bordent le continent Antarctique, l’océan austral participe grandement à la régulation du climat global. L’absorption de chaleur et de CO2 qu’il fournit tempère notamment l’amplitude des fluctuations climatiques. Suite à de nouveaux travaux basés sur des mesures de terrain, cette dernière a même été revue à la hausse.
Environ un quart des émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) est épongé par l’océan, ce qui provoque son acidification. Cette absorption est en grande partie localisée aux hautes latitudes, là où l’eau est relativement froide et soumise à un important brassage qui l’entraîne vers les profondeurs.
Une absorption de CO2 en été comme en hiver
Or, déchaînées par les quarantièmes rugissants et les cinquantièmes hurlants, les eaux de l’océan austral participent plus activement à ce transfert qu’on ne le pensait jusqu’à présent. En effet, il était généralement admis que la capture de CO2 par le phytoplancton et autres cyanobactéries se figeait en saison froide, un peu comme les feuilles s’effacent des arbres à l’approche de l’hiver. Toutefois, des mesures in situ effectuées de juillet à août 2017 montrent que ce n’est pas le cas et que le processus se poursuit même les jours les plus froids et sombres de l’année.
Aussi, la découverte appelle à revoir notre conception du cycle du carbone dans l’océan austral, en particulier l’idée selon laquelle il entrerait en phase de sommeil biologique pendant les mois d’hiver. La représentation de ce cycle dans les modèles de climat et sa réponse au réchauffement en cours pourront également être améliorées. C’est en tout cas ce qu’espèrent les chercheurs dont les travaux ont été publiés dans la revue scientifique Marine Chemistry.
Un milieu qui n’a pas encore révélé tous ses secrets
Les incertitudes qui planent sur ce vaste océan et son courant circumpolaire sont à mettre en lien avec la difficulté d’y faire des mesures. En effet, les eaux froides, les conditions météorologiques tempétueuses et les énormes vagues qu’elles génèrent rendent l’étude du milieu océanique pour le moins ardue en saison hivernale. À ce jour, on estime néanmoins que 35 % du CO2 et 75 % de la chaleur absorbés par les surfaces maritimes du globe le sont dans cet océan.
« L’observation des systèmes d’hiver nous aide à comprendre les diverses stratégies d’adaptation et de survie du phytoplancton dans des conditions de croissance défavorables ainsi que les processus de recharge en nutriments dans les eaux de surface extrêmement appauvries à la fin de la saison estivale », explique Ryan Cloete, auteur principal du papier.
Les données acquises par l’équipe de scientifiques montrent que les vents et le refroidissement hivernal conduisent à un mélange des couches océaniques et font remonter des eaux riches en nutriments vers la surface. Non seulement cette recharge en nutriments prépare le terrain pour la prochaine saison estivale, mais elle participe également à la poursuite de l’activité biologique en saison froide.
« Le système terrestre est étroitement couplé par des processus physiques, chimiques et biologiques avec des boucles de rétroaction qui tamponnent le changement climatique », ajoute Alakendra Roychoudhury, un des coauteurs de l’étude. « Notre recherche est un excellent exemple de ce couplage où les processus biochimiques qui se déroulent à l’interface de l’eau et des micro-organismes sont influencés par la circulation et le mélange océaniques de grande échelle ».