L’avenir de l’astronomie menacĂ© par un vieil ennemi familier

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Crédits : squeeze/Pixabay

La hausse des températures, les incendies et la pollution ont un effet de plus en plus pernicieux sur les observations astronomiques.

Un rapport prévenait il y a quelques semaines que les constellations de satellites actuellement déployées dans le but de fournir un accès Internet à large bande pourraient changer fondamentalement la façon dont les astronomes étudient le ciel nocturne. Toutefois, elles ne sont pas les seules menaces pour ces observations. Le changement climatique en est en effet une autre.

Dans le cadre d’une Ă©tude, des chercheurs ont rĂ©cemment tentĂ© d’estimer la manière dont ce vieil ennemi affecte et affectera de plus en plus les travaux astronomiques. Dans cet esprit, ils se sont concentrĂ©s sur l’Observatoire du Cerro Paranal, dans le nord du Chili. Cette installation abrite notamment le Very Large Telescope (VLT).

Des conditions plus chaudes et plus humides

Les chercheurs ont alors constatĂ© que la tempĂ©rature moyenne sur le site de l’Observatoire avait augmentĂ© de 1,5°C au cours des quatre dernières dĂ©cennies. C’est supĂ©rieur Ă  l’augmentation moyenne mondiale de 1°C enregistrĂ©e depuis l’ère prĂ©industrielle.

Or, cette augmentation de la tempĂ©rature n’est Ă©videmment pas sans consĂ©quence. Les grands tĂ©lescopes ont en effet besoin d’ĂŞtre refroidis pendant la journĂ©e pour Ă©viter que leurs systèmes ne se dĂ©gradent. Le problème, c’est qu’au-delĂ  d’une tempĂ©rature de 16°C enregistrĂ©e au coucher du soleil (au moment de l’ouverture des dĂ´mes), les appareils ne peuvent plus ĂŞtre maintenus suffisamment au frais. RĂ©sultat, les observations peuvent ĂŞtre considĂ©rablement brouillĂ©es.

De plus, certains instruments tels que ceux installĂ©s sur le VLT sont extrĂŞmement sensibles aux propriĂ©tĂ©s atmosphĂ©riques, et notamment Ă  la teneur en vapeur d’eau.

Si l’observatoire Paranal se trouve effectivement dans l’un des endroits les plus secs de la planète, nous savons dĂ©jĂ  que le rĂ©chauffement climatique rend et rendra El Niño de plus en plus puissant. La situation est prĂ©occupante pour cette installation en particulier, dans la mesure oĂą elle est situĂ©e sous un fort courant-jet liĂ© Ă  des Ă©vĂ©nements mĂ©tĂ©orologiques extrĂŞmes. Autrement dit, la rĂ©gion deviendra de plus en plus humide Ă  l’avenir.

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L’Observatoire du Cerro Parana, dans le nord du Chili. CrĂ©dits : ESO

Pollution et risques d’incendie

La pollution est une autre prĂ©occupation majeure des astronomes. Au Chili, ces derniers ont en effet dĂ©jĂ  notĂ© une augmentation de la quantitĂ© d’aĂ©rosols dans l’atmosphère. Il s’agit d’une consĂ©quence directe de l’industrie minière du pays. Le problème, c’est que ces aĂ©rosols rĂ©duisent la quantitĂ© de lumière capable d’atteindre les tĂ©lescopes.

Pendant ce temps, les incendies de forĂŞt directement liĂ©s au changement climatique menacent Ă©galement plusieurs installations. Il y a quelques jours, le cĂ©lèbre Observatoire Wilson, en Californie, Ă©tait encore cernĂ© par les flammes. Il est aujourd’hui hors de danger. Plus tĂ´t en aoĂ»t, les pompiers avaient Ă©galement sauvĂ© l’Observatoire historique de Lick, au nord de l’État.

Rappelons qu’en janvier 2003, un incendie de grande ampleur avait Ă©galement dĂ©truit cinq tĂ©lescopes de l’Observatoire du mont Stromlo, en Australie, alors entourĂ© d’une forĂŞt de pins. Toutes les archives du site avaient aussi Ă©tĂ© dĂ©truites.

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Un avion larguant un produit ignifuge sur l’Observatoire du mont Wilson. CrĂ©dits : Image webcam / Observatoire du mont Wilson

Prendre ses responsabilités

Outre le fait d’analyser les consĂ©quences du changement climatique sur les observations astronomiques, les chercheurs ont Ă©galement tentĂ© d’analyser la manière l’astronomie, en tant que domaine de recherche, contribue elle aussi Ă  la crise climatique. Knud Jahnke, de l’Institut Max Planck d’Astronomie en Allemagne, estime en effet que la communautĂ© scientifique doit d’abord assumer la responsabilitĂ© de ses propres Ă©missions de carbone.

Pour Ă©valuer l’empreinte carbone des institutions astronomiques, les chercheurs ont calculĂ© les Ă©missions directement issues de leurs activitĂ©s pour une seule annĂ©e (2018). RĂ©sultat : chaque astronome rejette en moyenne 18 tonnes de CO2. C’est presque deux fois plus que les Ă©missions moyennes par personne en Allemagne d’après l’Ă©tude.

Les émissions les plus importantes sont directement liées aux déplacements en avion pour se rendre à des conférences. Les supercalculateurs utilisés pour des simulations et pour analyser des données sont également très gourmands en énergie.

Aussi, les chercheurs ont formulé un certain nombre de recommandations sur la manière dont les institutions pourraient réduire leurs émissions.

Ils suggèrent par exemple que le transport aĂ©rien soit rĂ©duit en favorisant les rĂ©unions virtuelles. Les supercalculateurs pourraient quant Ă  eux ĂŞtre dĂ©placĂ©s vers des pays comme l’Islande oĂą l’Ă©lectricitĂ© d’origine renouvelable est largement disponible et oĂą des tempĂ©ratures plus basses rĂ©duisent le besoin de refroidissement des systèmes.