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Première observation d’une particule qui n’a de masse… que dans une seule direction

Des scientifiques ont récemment observé une particule appelée semi-fermion de Dirac qui se comporte de manière totalement inattendue. Selon la direction dans laquelle elle se déplace, elle peut sembler avoir une masse ou en être dépourvue. Ce phénomène, qui paraît presque fantastique, pourrait bien marquer le début d’une nouvelle ère dans la compréhension des matériaux et des technologies du futur.

Qu’est-ce qu’un semi-fermion de Dirac ?

En physique, les quasiparticules sont des entités collectives qui émergent dans des matériaux solides. Bien qu’elles ne soient pas des particules fondamentales comme les électrons, elles peuvent se comporter de manière similaire à des particules réelles, mais différemment des particules individuelles. Par exemple, dans certains matériaux, les électrons peuvent se déplacer comme des quasiparticules et avoir des propriétés étonnantes.

Un semi-fermion de Dirac est une particule théorique qui a été prédite pour la première fois il y a plusieurs années. Ce qui rend cette particule si unique, c’est son comportement étrange : selon la direction dans laquelle elle se déplace, elle peut soit avoir une masse, soit en être complètement dépourvue. En d’autres termes, dans une direction donnée, elle peut se comporter comme une particule normale avec une masse qui limite sa vitesse. Cependant, dans une autre direction, elle pourrait se déplacer comme si elle n’avait pas de masse et se propulser à une vitesse proche de celle de la lumière, un peu comme un photon, une particule de lumière.

Ce comportement a surpris la communauté scientifique. Les semi-fermions de Dirac n’ont pas seulement un intérêt théorique, mais aussi un potentiel pratique immense. Ils pourraient permettre de créer des matériaux aux propriétés inédites avec des applications dans des domaines aussi divers que l’électronique, l’énergie ou même la médecine.

Comment la découverte en lien avec cette particule a-t-elle été réalisée ?

La découverte des semi-fermions de Dirac n’a pas été planifiée au départ. En fait, les chercheurs ne cherchaient même pas cette particule spécifique lorsqu’ils ont commencé leurs expériences. L’équipe, dirigée par Yinming Shao, professeur adjoint de physique à Penn State, étudiait un matériau semi-métallique appelé ZrSiS, connu pour ses propriétés uniques. À la place, les chercheurs ont observé quelque chose de totalement inattendu.

Le processus utilisé pour observer cette particule est appelé spectroscopie magnéto-optique, une méthode très avancée qui combine l’utilisation de la lumière infrarouge et de champs magnétiques puissants. En exposant le cristal de ZrSiS à une lumière infrarouge tout en le maintenant dans un champ magnétique intense, l’équipe a pu analyser comment les électrons à l’intérieur du matériau réagissaient à l’énergie lumineuse. Ce qu’ils ont observé a été déroutant : les niveaux d’énergie des électrons ne suivaient pas les modèles classiques, mais semblaient se comporter de manière anormale.

Cette anomalie a été attribuée à la présence de fermions semi-Dirac, dont les propriétés étaient exactement celles décrites dans les théories des physiciens plusieurs années auparavant. Lorsqu’ils se déplaçaient dans le matériau, les niveaux d’énergie des électrons ne suivaient pas les valeurs attendues. Au lieu de se déplacer avec une masse constante comme les électrons classiques, ces quasiparticules semblaient perdre leur masse selon la direction dans laquelle elles se déplaçaient.

Pour vérifier ce phénomène, l’équipe a dû réaliser leurs tests dans des conditions extrêmes. Le matériau ZrSiS a été refroidi à une température extrêmement basse, juste quelques degrés au-dessus du zéro absolu, et plongé dans un champ magnétique extrêmement puissant (un champ qui est 900 000 fois plus fort que le champ magnétique terrestre). Ces conditions extrêmes étaient nécessaires pour observer ces comportements quantiques et confirmer que les semi-fermions de Dirac existaient réellement dans ce matériau.

Pourquoi cette découverte sur cette particule est-elle importante ?

Si cette découverte est si excitante, c’est parce qu’elle pourrait avoir des applications dans des technologies de pointe. La capacité des semi-fermions de Dirac à se comporter différemment selon la direction pourrait en effet ouvrir la voie à des matériaux plus efficaces et plus performants dans une multitude de domaines. Par exemple, ce phénomène pourrait révolutionner les batteries en les rendant plus efficaces ou améliorer les capteurs utilisés dans des dispositifs de haute technologie.

Les semi-fermions de Dirac partagent certaines caractéristiques avec le graphène, un matériau qui a également des propriétés remarquables et qui est utilisé dans des applications comme les écrans tactiles, les supercondensateurs et les cellules solaires. Par ailleurs, comprendre comment exploiter les propriétés des semi-fermions de Dirac pourrait permettre de concevoir de nouveaux matériaux stratifiés, dont la structure pourrait être contrôlée avec une précision extrême, comme c’est déjà le cas pour le graphène.

Le potentiel de ces particules va bien au-delà de l’électronique. Les quasiparticules pourraient aussi trouver des applications dans des technologies liées à la médecine, comme la conception de dispositifs biomédicaux ultrasensibles. Elles pourraient aussi être utilisées dans des systèmes de stockage d’énergie ou même des dispositifs qui permettraient d’améliorer les performances des ordinateurs quantiques, une technologie encore en plein développement, mais prometteuse.

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Illustration d’un calculateur quantique. Crédits : Bartlomiej Wroblewski/iStock

Les mystères restants et les prochaines étapes

Bien que les semi-fermions de Dirac aient été observés, il reste encore beaucoup à comprendre. Les scientifiques ne savent pas encore tout sur le comportement de ces particules. Leur apparition soulève de nombreuses questions, notamment sur la manière dont elles interagissent avec d’autres particules et comment leurs propriétés peuvent être manipulées pour des applications pratiques.

Les chercheurs ont seulement effleuré la surface de ce phénomène étrange et ont encore beaucoup de travail à faire pour comprendre les mécanismes sous-jacents qui expliquent pourquoi certaines directions permettent à ces quasiparticules de se déplacer sans masse tandis que d’autres les rendent massives. Cette recherche est encore à ses débuts et les scientifiques espèrent que de futures découvertes permettront de mieux exploiter ce phénomène pour créer de nouveaux matériaux plus performants.

En somme, la découverte des semi-fermions de Dirac est un exemple parfait de la manière dont la science fondamentale peut mener à des révolutions technologiques. Bien que ce phénomène soit encore difficile à comprendre pleinement, ses applications futures pourraient transformer de nombreux secteurs.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.