Les nuages seraient moins sensibles que prévu au réchauffement, et c’est une bonne nouvelle

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Crédits : Needpix.

Des mesures de terrain effectuées dans le cadre de la campagne de recherche EUREC⁴A, axée sur les interactions entre la circulation atmosphérique et les nuages, ont révélé que ces derniers étaient moins sensibles au réchauffement climatique que ce que l’on pouvait craindre. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature le 30 novembre dernier.

La dernière génération de modèles de climat se distingue des précédentes par le fait que certains modèles calculent une sensibilité climatique élevée, c’est-à-dire qu’une augmentation donnée de la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre (GES) conduit à un réchauffement global particulièrement prononcé. Les modèles français donnent à ce titre une élévation de température globale pouvant aller jusqu’à 7 °C d’ici à 2100 si rien n’est fait pour limiter les émissions de GES.

Les nuages bas sèment le trouble

Ces sensibilités élevées ont été liées à la façon dont les modèles représentent la rétroaction des nuages au réchauffement, et notamment celle des nuages bas subtropicaux. En effet, les modèles avec une forte sensibilité tendent à projeter une réduction significative de la quantité de cumulus et de stratocumulus. Une plus grande fraction de l’énergie solaire incidente est ainsi absorbée, ce qui réchauffe d’autant plus le climat. Il s’agit d’une rétroaction positive, c’est-à-dire amplificatrice.

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Les chercheurs ont effectué des mesures depuis la surface jusqu’à près de dix kilomètres d’altitude dans l’Atlantique Nord, au sein du régime de cumulus subtropicaux. Crédits : MPI-M / EUREC4A.

Cependant, une étude basée sur des mesures de terrain sans précédent montre que les modèles qui simulent une forte réduction de la couverture de nuages bas, et en particulier de cumulus, sont vraisemblablement erronés. Et pour cause, le mécanisme qui conduit à la dissolution de ces nuages dans les modèles repose sur une hypothèse que les chercheurs viennent désormais de réfuter. Elle tient à l’intensité du mélange entre l’air humide de basse couche et l’air plus sec situé au-dessus, entre 1500 et 3000 mètres d’altitude.

Une hypothèse qui tombe à l’eau

Avec le réchauffement du climat, ce mélange s’intensifie, ce qui peut conduire à un assèchement de la basse atmosphère, là où se développent les cumulus et les stratocumulus, et donc à leur dissolution. Toutefois, les données obtenues par les scientifiques montrent que ce n’est pas le cas, et que l’assèchement supposé est en réalité compensé par des circulations de méso-échelle qui humidifient les basses couches. En résumé, l’intensification effective du mélange entre la basse et la moyenne atmosphère ne conduit pas à une diminution de la quantité de nuages.

Crédits : 4freephotos.

« C’est une bonne nouvelle, car cela signifie que les nuages bas du régime d’alizés sont beaucoup moins sensibles au réchauffement climatique qu’on ne l’a longtemps supposé », relate Raphaela Vogel, auteure principale de l’étude. « Par conséquent, une augmentation extrême des températures de la Terre est moins probable qu’on ne le pensait auparavant ».

Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont mobilisé un navire, deux avions de recherche et une centaine de dropsondes permettant de restituer le profil vertical de l’atmosphère entre la surface et un peu moins de dix kilomètres. « Bien que cet aspect soit très important pour prévoir avec plus de précision les scénarios climatiques futurs, cela ne signifie absolument pas que nous pouvons faire marche arrière en matière de protection du climat », tempère néanmoins la chercheuse.