Nouvelle frontière quantique : quand la lumière dompte les électrons

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Crédits : vchal/istock

Des chercheurs de l’Institut Max Planck de physique nucléaire de Heidelberg ont franchi une nouvelle étape dans la maîtrise des phénomènes quantiques. Ils ont en effet réussi à contrôler la direction du mouvement d’électrons au sein d’une molécule d’hydrogène grâce à des impulsions laser ultrarapides. Cette prouesse scientifique, à l’échelle des attosecondes (une attoseconde est un milliardième de milliardième de seconde), pourrait transformer le futur de l’informatique quantique et des technologies de l’information.

La physique quantique en quelques mots

La physique quantique est la branche de la science qui se concentre sur les phénomènes à l’échelle des particules subatomiques, telles que les électrons, les protons ou encore les photons. À ces niveaux microscopiques, les règles de la physique classique que nous connaissons (comme celles qui régissent la gravité ou le mouvement) ne s’appliquent plus. Les particules suivent alors des comportements étranges, souvent contre-intuitifs.

L’importance de la physique quantique réside dans son potentiel révolutionnaire. Elle est déjà à la base des technologies modernes comme les lasers ou les transistors, qui constituent les fondations des ordinateurs actuels. Cependant, ses applications futures, notamment dans l’informatique quantique, promettent des avancées encore plus spectaculaires. Cette discipline permettrait d’exploiter des « qubits », des unités d’information quantique capables d’exister dans plusieurs états à la fois, ce qui permettrait de résoudre des calculs complexes en un temps record.

Qu’est-ce que l’intrication quantique ?

Un concept clé pour comprendre l’expérience menée par les chercheurs de l’Institut Max Planck est celui de l’intrication quantique. C’est un phénomène dans lequel deux particules, même situées à distance, restent « connectées ». Cela signifie que ce qui arrive à l’une affecte instantanément l’autre, quel que soit l’espace qui les sépare.

Pour simplifier, imaginez que vous ayez deux gants d’une paire. Si vous en trouvez un et que vous constatez qu’il s’agit du gant droit, vous saurez automatiquement que le second est le gant gauche, peu importe où il se trouve. En physique quantique, l’intrication fonctionne de manière similaire, mais elle va bien au-delà de cette simple analogie. Elle permet des états simultanés de particules qui sont cruciales pour les ordinateurs quantiques.

L’expérience des chercheurs de l’Institut Max Planck

Dans le cadre d’une étude, des chercheurs de l’Institut Max Planck ont réussi à manipuler cette intrication en modifiant la direction de mouvement des électrons dans une molécule d’hydrogène (une molécule simple constituée de deux protons et deux électrons). Pour ce faire, ils ont utilisé des flashs laser ultrarapides, de l’ordre de l’attoseconde, pour contrôler avec précision la trajectoire des électrons. En ajustant le temps entre deux impulsions lumineuses, ils ont réussi à influencer l’émission d’un électron tout en laissant l’autre intriqué dans la molécule.

La prouesse des physiciens repose sur le contrôle de l’asymétrie d’émission d’un électron libéré par rapport à celui restant lié à la molécule. Ce contrôle est rendu possible par l’ajustement précis du délai entre les impulsions laser. Ces dernières permettent principalement d’influencer les interactions entre les électrons et de diriger leur mouvement à une échelle de temps ultra-courte, bien inférieure à une femtoseconde (un millième de milliardième de seconde).

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Schéma de la photoionisation dissociative de l’hydrogène moléculaire à l’aide d’impulsions laser IR et XUV combinées avec un retard variable (flèche blanche). Crédits : MPIK

Pourquoi est-ce important ?

Cette découverte est une avancée significative pour plusieurs raisons. Elle nous rapproche en effet de la possibilité de manipuler les états quantiques intriqués de manière bien plus rapide que ce qui était possible auparavant. Jusqu’à présent, les chercheurs travaillaient à des échelles de nanosecondes (10⁻⁹ s) ou de femtosecondes (10⁻¹⁵ s). Passer à l’échelle des attosecondes représente une accélération spectaculaire, plus de 100 000 fois plus rapide.

Cette percée pourrait avoir des répercussions majeures dans le domaine de l’informatique quantique. En effet, l’un des plus grands défis de cette technologie est la « décohérence », c’est-à-dire la perte d’information due à des perturbations extérieures. Plus les calculs peuvent être effectués rapidement, moins les qubits sont exposés à ces perturbations, rendant ainsi les calculs plus stables et plus fiables.

En outre, cette avancée pourrait permettre de développer des algorithmes quantiques capables de traiter des informations sur des échelles de temps extrêmement courtes. Cela ouvrirait la voie à une nouvelle génération d’ordinateurs quantiques capables de résoudre des problèmes complexes bien plus rapidement que les ordinateurs classiques actuels.

Bien que cette découverte soit impressionnante, nous sommes encore loin de voir une application directe dans les ordinateurs quantiques grand public. Le contrôle des états quantiques intriqués sur des échelles de temps aussi courtes reste en effet une prouesse expérimentale délicate, et les défis techniques sont encore nombreux.

Cependant, cette avancée fournit des informations précieuses pour le développement futur des technologies quantiques. En maîtrisant mieux le comportement des particules à l’échelle attoseconde, les chercheurs continuent de repousser les limites de la science et de l’ingénierie, nous rapprochant un peu plus du rêve de l’informatique quantique.