Pendant des siècles, l’histoire de l’île de Pâques (Rapa Nui) a été perçue comme un avertissement sur les dangers de l’exploitation non durable des ressources naturelles. Les chercheurs occidentaux ont en effet longtemps soutenu que les habitants de l’île avaient abattu tous les arbres pour construire d’immenses statues de pierre, les moai, entraînant un effondrement démographique. Cependant, des recherches récentes offrent une perspective différente, suggérant que les premiers habitants vivaient de manière durable avant l’arrivée des Européens. Un nouvel article publié renforce cette hypothèse alternative.
Origines de la théorie de l’écocide
La théorie de l’écocide de l’île de Pâques est une hypothèse largement discutée dans le cadre de l’histoire environnementale de Rapa Nui, l’île de Pâques. Popularisée par Jared Diamond dans son livre « Collapse: How Societies Choose to Fail or Succeed » publié en 2005, elle avance que les habitants de Rapa Nui, après leur arrivée probable autour du 13e siècle, ont rapidement exploité les ressources limitées de l’île, en particulier les arbres.
Selon cette théorie, les arbres ont été coupés massivement pour transporter et ériger les moai, les célèbres statues de pierre, ainsi que pour d’autres besoins comme la construction de bateaux et le chauffage.
Les partisans de la théorie avancent que cette déforestation massive a eu des conséquences dévastatrices sur l’écosystème de l’île. Les arbres fournissaient non seulement du bois pour la construction, mais jouaient aussi un rôle crucial dans la rétention des sols et la conservation de l’eau douce, essentiels pour l’agriculture.
La disparition des arbres aurait également conduit à une diminution de la biodiversité de l’île, affectant la faune et la flore locales. Cela aurait également rendu l’île plus vulnérable aux conditions climatiques extrêmes comme les sécheresses.
Selon cette théorie, la dégradation de l’environnement aurait également conduit à une diminution de la productivité agricole, à des conflits internes pour les ressources restantes et à un déclin démographique généralisé. Certains théoriciens de l’écocide avancent même que des comportements désespérés comme le cannibalisme ont pu apparaître dans une société en crise.
Critiques et réévaluations
Malgré sa popularité initiale, la théorie de l’écocide de l’île de Pâques a été largement critiquée et remise en question par plusieurs chercheurs et archéologues. Certains experts contestent notamment le manque de preuves directes montrant une destruction rapide de l’environnement par les habitants de Rapa Nui.
Les fouilles archéologiques n’ont également pas révélé de preuves concluantes de guerres massives, de destructions généralisées ou de changements radicaux dans les pratiques alimentaires ou culturelles avant l’arrivée des Européens.
Des recherches plus récentes suggèrent même des modèles alternatifs où les habitants de l’île auraient pu vivre de manière plus durable avant l’arrivée des Européens. Une étude publiée dans la revue Science Advances a joué un rôle clé dans cette réévaluation. Conduite par une équipe internationale de chercheurs, ce travail se concentre sur l’analyse approfondie des pratiques agricoles et des impacts environnementaux sur Rapa Nui.

