Dans le cadre d’une étude, des chercheurs ont testé des hypothèses relatives à l’extinction du mégalodon en fournissant des estimations quantitatives de sa température corporelle, contraignant ainsi sa physiologie thermique. Ils ont alors constaté que l’énorme requin avait des températures corporelles significativement élevées comparé à d’autres clades. D’ailleurs, les coûts métaboliques élevés associés à cette endothermie pourraient avoir contribué à sa vulnérabilité à l’extinction.
Le mégalodon était-il endothermique ?
De nos jours, les plus de 500 espèces présentes dans quasi tous les habitats marins jouent un rôle crucial dans les écosystèmes en tant que prédateurs au sommet, mais aussi en tant que des sources potentielles de nourriture pour les individus plus âgés ou les taxons plus grands.
Alors que le changement climatique réchauffe de plus en plus les océans et les estuaires, affectant très certainement la physiologie de nombreux poissons, les chercheurs s’intéressent de plus en plus au rôle joué par les différences thermophysiologiques dans leurs distributions géographiques et bathymétriques. Par exemple, les taxons endothermiques (capables de réguler leur température corporelle interne de manière indépendante) peuvent avoir des vitesses de croisière plus élevées, ce qui augmente les taux de rencontre avec des proies. Ils peuvent aussi profiter de plages de migration plus larges par rapport à leurs homologues ectothermiques.
De manière plus générale, l’endothermie est considérée comme ayant un mérite évolutif, comme en témoigne le fait qu’il a évolué plusieurs fois dans l’histoire des vertébrés. Chez les requins existants, l’endothermie (plus précisément, « l’endothermie régionale ») concerne encore certains clades. L’emblématique mégalodon, principalement connu uniquement pour ses dents gigantesques dans les archives fossiles, aurait par ailleurs lui aussi été endothermique, sur la base de plusieurs sources de données. Cependant, ce n’était pas encore véritablement prouvé.
Or, en tant que l’un des plus grands carnivores ayant jamais existé sur Terre et compte tenu de son rôle important sur les anciens écosystèmes marins, la connaissance de sa thermophysiologie et de ses effets sur son environnement est essentielle pour comprendre comment son ascension et sa disparition ont influencé la bioénergétique et les structures trophiques des océans menant aux conditions marines actuelles.

Un corps à 27°C
Dans le cadre de ces nouveaux travaux publiés dans PNAS, des chercheurs ont utilisé une combinaison de techniques géothermiques pour estimer la température corporelle du requin géant sur la base des compositions de divers isotopes isolés dans plusieurs dents fossilisées.
« La température à laquelle le minéral s’est formé, y compris les tissus durs biologiquement minéralisés comme les dents, peut être extrapolée à partir du degré auquel ces isotopes se sont liés ou « agglutinés » ensemble« , précise Kenshu Shimada, de l’Université DePaul de Chicago. « La technique géochimique employée était auparavant utilisée pour examiner le sang chaud des dinosaures. La nouvelle étude démontre que la méthode peut également être appliquée aux vertébrés marins, comme les requins, en utilisant leurs composants anatomiques durs et bien minéralisés tels que les dents ».
Ces travaux ont révélé que la température corporelle moyenne du mégalodon était d’environ 27°C. À titre de comparaison, les requins modernes concernés par cette endothermie régionale ont une température corporelle moyenne comprise entre 22°C et 26,6°C, selon à l’étude.
Avantages et inconvénients de cette endothermie
Cette augmentation de la température corporelle du mégalodon lui aurait conféré de nombreux avantages. « Le sang chaud est avantageux, car il permet à un animal d’avoir un mode de vie plus actif, comme la possibilité de nager sur de longues distances ou de nager rapidement« , poursuit en effet le chercheur. « Les requins à sang chaud d’aujourd’hui, tels que les requins mako et les grands requins blancs, sont non seulement capables de nager rapidement par rapport à leurs homologues à sang froid, mais leur chaleur métabolique élevée due au sang chaud facilite également la digestion des aliments.«
Cependant, un sang chaud confère aussi ses inconvénients. D’ailleurs, ce métabolisme pourrait même avoir en partie conduit le mégalodon à l’extinction. En effet, le moment de la disparition du mégalodon (il y a environ 2,6 millions d’années) correspond à une période de refroidissement climatique de la Terre. Dans ces conditions, un sang chaud aurait normalement dû fournir un avantage supplémentaire au mégalodon. Toutefois, rappelons qu’un sang chaud implique un métabolisme élevé qui nécessite un apport alimentaire élevé et constant. Or, il est alors tout à fait possible qu’un tel refroidissement climatique ait pu faire baisser drastiquement le nombre de proies disponibles. In fine, les mégalodons n’auraient ainsi pas pu ingérer les calories nécessaires à leur métabolisme.
