La quête pour maîtriser la fusion nucléaire, cette source d’énergie propre, quasi illimitée et sans déchets radioactifs à long terme, vient de franchir une étape majeure. Le stellarator Wendelstein 7-X, un réacteur expérimental installé en Allemagne, a pulvérisé plusieurs records mondiaux en démontrant sa capacité à maintenir un plasma ultra-chaud et stable plus longtemps que jamais auparavant. Ce succès marque un progrès crucial vers l’objectif de produire une énergie de fusion viable à l’échelle industrielle, capable un jour de remplacer nos sources d’énergie fossile polluantes.
Fusion nucléaire : un rêve d’énergie propre depuis des décennies
La fusion nucléaire est la réaction qui alimente notre Soleil et les étoiles. Elle consiste à faire fusionner des noyaux légers d’atomes d’hydrogène pour former des noyaux plus lourds, comme l’hélium, en libérant une énorme quantité d’énergie. Contrairement à la fission nucléaire utilisée dans les centrales actuelles, la fusion ne génère quasiment pas de déchets radioactifs durables et ne présente pas de risques d’accidents nucléaires majeurs.
Mais reproduire ces conditions incroyablement extrêmes à la surface de la Terre reste un défi colossal. Pour que la fusion démarre, il faut chauffer le combustible à plusieurs millions de degrés et le maintenir confiné assez longtemps pour que les réactions s’enchaînent de façon auto-entretenue. Jusqu’ici, les réacteurs expérimentaux consommaient encore plus d’énergie qu’ils n’en produisaient.
Stellarators vs Tokamaks : deux approches pour maîtriser le plasma
Pour confiner le plasma à ces températures, deux grands types de réacteurs sont développés : les tokamaks et les stellarators. Les tokamaks, plus simples, utilisent un fort courant électrique à l’intérieur du plasma pour générer un champ magnétique capable de le confiner. Mais cette méthode est difficile à stabiliser sur de longues durées, ce qui limite les performances.
Les stellarators, au contraire, utilisent un ensemble complexe d’aimants externes disposés en forme hélicoïdale pour maintenir le plasma stable, sans recourir à un courant interne. Ce système est plus compliqué à concevoir mais promet une meilleure stabilité pour un fonctionnement prolongé. Le Wendelstein 7-X est à ce jour le plus avancé de ces stellarators.
Une campagne expérimentale record pour Wendelstein 7-X
Lors des expériences récentes menées à l’Institut Max Planck de physique des plasmas (IPP) à Greifswald, en Allemagne, l’équipe internationale autour du Wendelstein 7-X a dépassé toutes les attentes. Le réacteur a battu plusieurs records mondiaux, notamment en ce qui concerne la durée pendant laquelle le plasma a été maintenu chaud et stable, un critère fondamental.
Le « produit triple » – une mesure combinant la densité du plasma, sa température et le temps de confinement de l’énergie – a atteint des valeurs comparables à celles obtenues par les meilleurs tokamaks. Le produit triple est crucial car il mesure l’efficacité de la réaction : il faut dépasser un certain seuil (appelé critère de Lawson) pour que la fusion devienne auto-entretenue, produisant plus d’énergie qu’elle n’en consomme.
Thomas Klinger, directeur des opérations du Wendelstein 7-X, a qualifié ce nouveau record de « formidable réussite » et d’« étape importante vers un stellarator capable de fonctionner comme centrale électrique ». C’est la preuve que cette technologie a un avenir prometteur.

Comment ont-ils réussi ce coup de maître ?
Cette avancée repose sur une innovation technique majeure : un nouveau système d’injection de combustible. Les chercheurs ont conçu un injecteur capable de projeter des centaines de pastilles d’hydrogène congelé dans le plasma à des vitesses proches de celle d’une balle (jusqu’à 800 mètres par seconde).
En parallèle, le plasma était chauffé par des impulsions de micro-ondes puissantes, atteignant une température de 30 millions de degrés Celsius. Ce travail d’horlogerie a permis de maintenir le plasma dans un état stable pendant 43 secondes – une durée record pour un stellarator.
Ce maintien prolongé du plasma est essentiel, car plus il reste chaud et stable longtemps, plus la réaction de fusion produit d’énergie. La campagne a aussi battu un autre record : un renouvellement d’énergie de 1,8 gigajoule sur six minutes, dépassant largement les chiffres obtenus précédemment par d’autres réacteurs comme le tokamak chinois EAST.
Vers l’énergie de fusion commerciale : un avenir proche ?
Ces résultats démontrent que le stellarator est un candidat sérieux pour devenir la technologie clé des futures centrales à fusion. Sa capacité à garder le plasma stable sans courant interne est un énorme avantage pour une exploitation commerciale continue.
Robert Wolf, responsable du chauffage et de l’optimisation du Wendelstein 7-X, souligne que cette réussite est aussi le fruit d’une collaboration internationale exemplaire, renforçant la confiance dans la faisabilité à long terme de la fusion nucléaire.
Bien sûr, le chemin reste encore long. La prochaine étape sera de dépasser le seuil critique de Lawson et de produire plus d’énergie que le réacteur n’en consomme. Puis viendront les défis liés à la construction d’installations à grande échelle, durables et économiques.
Mais chaque record pulvérisé, chaque avancée technique, rapproche un peu plus l’humanité d’une source d’énergie propre, quasi illimitée et sécurisée. Dans un contexte mondial de crise climatique, ces progrès sont porteurs d’espoir pour un futur énergétique durable.