Un ensemble de mesures de terrain effectuées au Svalbard, un archipel norvégien situé dans le détroit de Fram, montrent qu’un nouveau puits de carbone est probablement en train de se mettre en place dans le Grand Nord. Ces résultats ont été publiés dans la revue Scientific Reports.
Le dioxyde de carbone (CO2) est retiré de l’atmosphère par des puits qui, aux échelles de temps pertinentes pour l’humanité, sont au nombre de deux : d’un côté, la végétation qui le prélève par photosynthèse et fixe les atomes de carbone dans la biomasse, de l’autre l’océan. Toutefois, l’efficacité et la structure de ces puits ne sont pas gravées dans le marbre, mais évoluent elles-mêmes avec le climat.
Une accumulation de matière organique fraîchement formée
Au cours d’une expédition au Svalbard en 2018, des chercheurs ont prélevé des échantillons de sols en plusieurs points autour du fjord Isfjorden. En les étudiant, ils ont constaté que pour les trois sites visités, le substrat minéral était recouvert d’une proto-tourbe, plus précisément d’une couche riche en carbone issue de l’activité photosynthétique de mousses et autres végétations rases.
Avec le réchauffement rapide de la région Arctique, ces dernières conquièrent en effet de nouveaux horizons et semblent retirer une quantité croissante de CO2 de l’atmosphère. On rappelle que sur les trente dernières années, la température moyenne au Svalbard a augmenté de 1,7 °C avec un cumul de précipitations qui progresse de 2 % par décennie depuis le début du vingtième siècle.
Le verdissement de l’Arctique ouvre-t-il un nouveau puits de carbone continental ?
« Si le processus qui génère de la proto-tourbe se produit de manière extensive, un réservoir de carbone inattendu, ou une communauté végétale qui atténue le changement climatique, pourrait être en train de s’établir dans le nord », rapporte Minna Väliranta, coauteure de l’étude.
La propagation des végétaux dans des régions autrefois stériles représenterait par conséquent une forme de rétroaction négative de la biosphère, c’est-à-dire une réponse du système qui amortit la perturbation initiale. « Ce réservoir n’a pas été inclus dans la modélisation des écosystèmes et de l’atmosphère, car on pense traditionnellement qu’aucune nouvelle tourbière ne se forme », ajoute la chercheuse.
Une représentation réaliste du cycle du carbone dans les modèles nécessitera la prise en compte de ces observations en faveur d’une séquestration augmentée du carbone dans les sols des hautes latitudes. « On peut dire que la découverte de nouveaux puits de carbone met en jeu une nouvelle composante qui doit être considérée dans les modèles pour mieux prédire le fonctionnement des écosystèmes dans un climat qui se réchauffe », relate M. Väliranta.
Cependant, les scientifiques avertissent également sur la fragilité de ce puits, en particulier vis-à-vis d’un environnement qui pourrait venir à manquer d’eau. De futurs travaux seront par conséquent nécessaires pour comprendre tous les tenants et aboutissants de ces observations.