Nous avons mal dessiné ces « chats à dents de sabre »

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Illustration d'un félin à dents de sabre. Crédits : Mauricio Anton

Les interprétations précédentes ont montré des félidés à dents de sabre avec des canines supérieures exposées. Une étude plus récente qui combine des fossiles et des spécimens existants révèle toutefois une apparence de vie différente, du moins pour l’une des espèces de chat à dents de sabre les plus répandues dans l’histoire ancienne de la Terre.

Homotherium latidens était le chat à dents de sabre le plus puissant du Pléistocène de l’Ancien Monde. Selon les archives fossiles, l’espèce serait apparue pour la première fois il y a environ quatre millions d’années, évoluant à travers l’Eurasie, avant de s’éteindre il y a environ 10 000 ans.

Cet animal, qui mesurait environ 1,8 mètre de long pour 1,1 mètre de haut, arborait de larges canines en forme de sabre et dentelées, des membres avant puissants, un dos fuyant et un bulbe optique agrandi. Bref, il s’agit autant d’éléments clés lui permettant de chasser les plus grands animaux du Pléistocène.

Cela étant dit, une étude publiée en 2022 dans la revue Quaternary Science Reviews suggère que de nombreuses reconstructions artistiques d’Homotherium latidens sont erronées.

De nouvelles données sur la table

Dans un article publié en 2009, Mauricio Antón, artiste paléontologue et expert en chats à dents de sabre, avait conclu que les deux grandes canines distinctives de ce grand prédateur auraient été visibles même au repos. En d’autres termes, à l’époque, on pensait que Homotherium correspondait au profil stéréotypé du chat à dents de sabre. Plus récemment, M. Antón a néanmoins commencé à se demander si lui et d’autres chercheurs en paléontologie ne s’étaient finalement pas trompés sur la dentition de ce félin.

Pendant longtemps, presque tout ce que nous savons sur les chats à dents de sabre provenait en effet de fossiles et de dissections de grands félins modernes. « Seulement, lorsque vous disséquez ce type d’animal, comme un lion ou un tigre, les lèvres sont dans une position particulière, car les muscles qui contrôlent les lèvres sont détendus », explique le paléoartiste.

Puis, en 2016, alors qu’il regardait un film qu’il avait lui-même réalisé sur un lion mâle évoluant dans le delta de l’Okavango, le chercheur remarqua quelque chose qu’il n’avait jamais vu auparavant. La lèvre inférieure de l’animal se contractait lorsque la gueule se fermait, enveloppant le bout de la canine avant même la fermeture complète.

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Un crâne d’Homotherium latidens comparé à celui d’un lion moderne. Crédits : Mauricio Anton

Les canines rangées à l’intérieur

Pour comprendre les implications de son observation, M. Antón et une équipe de scientifiques ont finalement révisé leurs conclusions avec des yeux nouveaux. Ils ont également fait une tomodensitométrie 3D d’un fossile d’Homotherium latidens complet vieux de trois millions d’années fouillé il y a quelques années à Perrier, en France.

Ces nouvelles données en main, les chercheurs ont alors pu déduire l’apparence de vie de ce félidé éteint avec beaucoup plus de précision qu’auparavant. Leurs études ont confirmé qu’il n’y avait tout simplement pas de place pour que la lèvre inférieure et les tissus mous s’adaptent entre la canine supérieure d’Homotherium et la gencive. En revanche, il y avait de la place pour que les canines soient cachées contre la partie fermée de la mandibule inférieure.

Qu’elles aient été cachées ou non au repos, les « dents de sabre » de ces grands prédateurs étaient capables de sectionner les artères du cou avec une redoutable précision en cas d’attaque. Les proies perdaient alors du sang et s’évanouissaient en quelques secondes.

Notez que si les canines supérieures d’Homotherium mesuraient entre sept et huit centimètres de long, celles du plus grand chat à dents de sabre connu, Smilodon fatalis, mesuraient peut-être quinze centimètres. Ces nouvelles découvertes ne s’appliquent donc pas à cet ancien géant : aucune mâchoire ne pourrait accueillir de tels crocs.