Notre-Dame de Paris : la première « dame de fer » ?

Notre-Dame de Paris
Crédits : LeifLinding/Pixabay

L’incendie de 2019 a gravement endommagé Notre-Dame, un édifice emblématique. Malgré tout, la catastrophe a donné aux chercheurs l’occasion d’étudier l’architecture du bâtiment comme jamais auparavant. Nous savons désormais que les pierres utilisées pour construire la cathédrale étaient maintenues ensemble au moyen d’agrafes en fer, une technique qui n’avait jamais été documentée auparavant dans un bâtiment de cette époque.

Une prouesse architecturale

Notre-Dame de Paris est une Å“uvre médiévale sans précédent dans l’histoire de l’architecture gothique et chrétienne. Avec ses voûtes culminant à trente-deux mètres de haut, la cathédrale parisienne est le plus haut édifice jamais construit à cette époque. Aucun monument comparable n’a été construit jusqu’au début du 13e siècle (deux ou trois générations de bâtisseurs plus tard), avec les cathédrales de Chartres, Bourges ou encore de Reims pour ne citer qu’elles.

L’élévation de Notre-Dame a été rendue possible par plusieurs procédés techniques innovants. L’utilisation de la croisée d’ogives, maîtrisée depuis la fin du XIe siècle, ainsi que la construction de voûtes très fines ont notamment permis d’alléger la structure et de créer davantage d’ouvertures où le poids des voûtes repose uniquement sur les piles. Et ce ne sont que des exemples. Cependant, ces prouesses architecturales auraient-elles été suffisantes ? Qu’est-il des matériaux ?

L’apport des types de matériaux utilisés à l’époque n’a jamais été vraiment abordé malgré le fait que leurs propriétés déterminent clairement la stabilité d’une structure. La mise en Å“uvre du fer et ses fonctions dans la conception initiale de plusieurs cathédrales du XIIIe siècle sont par exemple maintenant bien connues. Cependant, elle n’a jamais été explorée dans le cas de Notre-Dame. Cette matière pourrait pourtant avoir joué un rôle majeur dans l’élévation de la cathédrale.

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Crédits : GodefroyParis/Wikipédia

Une opportunité unique

Le fait que le monument soit actuellement en restauration a permis la découverte de nouveaux sarcophages, dont l’un abritait les restes d’un mystérieux cavalier. Néanmoins, ces travaux ont surtout permis un accès privilégié à certains endroits de la cathédrale jusqu’alors inaccessibles. Grâce à ces inspections, les chercheurs ont pu détecter pour la première fois l’utilisation d’armatures en fer dans la cathédrale.

« C’est le premier bâtiment de ce genre dans lequel on voit cela« , confirme Maxime L’Héritier, professeur au département d’histoire de l’université Paris 8 et principal auteur de ces travaux. « Cela montre que les bâtisseurs de l’époque essayaient d’expérimenter de nouvelles formes de construction« .

Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs ont analysé douze de ces agrafes en fer, qui mesurent environ cinquante centimètres de long. Elles faisaient partie du « squelette de fer », offrant des renforts supplémentaires à la maçonnerie de la cathédrale, notamment en maintenant ensemble les grandes arches de la nef des imposantes tours jumelles de 69 mètres du bâtiment.

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À gauche : les agrafes en fer des murs supérieurs. À droite : les agrafes en fer à l’intérieur des colonnes monolithiques de la nef (en rouge) et les agrafes en fer dans les tribunes du chÅ“ur. Crédits : Maxime L’Héritier/Plos One

Sans le support de ces armatures, cette prouesse architecturale aurait probablement été impossible à accomplir en 1160, lorsque la construction de Notre-Dame a commencé.

Les chercheurs ont en effet daté les agrafes en fer au radiocarbone et ont découvert qu’elles avaient été utilisées pendant l’une des phases initiales de la construction. L’une des interrogations qui demeurent encore sera de déterminer les origines de ce fer. Le minerai était-il local ou plus éloigné ? Une analyse plus approfondie pourrait permettre de répondre à cette question. En attendant, Notre-Dame devrait normalement rouvrir aux visiteurs dès décembre 2024.