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Nos ancêtres pouvaient-ils rivaliser avec les hyènes géantes ?

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Crédits : Jesus Rodriguez

Une étude récente basée sur des simulations informatiques suggère que les premiers hominidés étaient peut-être des charognards capables de rivaliser avec les hyènes géantes pour se nourrir des carcasses abandonnées par les félins à dents de sabre et les jaguars il y a des centaines de milliers d’années.

Chasseurs actifs ou charognards ?

L’importance de la consommation d’aliments d’origine animale dans l’évolution des premiers hominidés n’est plus sujette à débat. Cependant, plusieurs hypothèses existent concernant la manière dont nos ancêtres obtenaient leur nourriture. Certains chercheurs soutiennent que ces hominidés étaient des chasseurs actifs capables de traquer et de tuer des animaux, tandis que d’autres suggèrent qu’ils étaient principalement des charognards, se nourrissant probablement des carcasses abandonnées par d’autres prédateurs, comme les félins à dents de sabre.

Ces derniers étaient en effet de puissants prédateurs qui chassaient de grands mammifères. Il est ainsi possible que les premiers hominidés aient profité des restes laissés derrière eux, ce qui aurait fourni une source importante de nourriture riche en protéines. En revanche, il a été avancé que cette niche était déjà occupée en Eurasie par la hyène géante, empêchant les hominidés d’utiliser cette ressource. Une  étude récente suggère néanmoins que nos ancêtres étaient capables de rivaliser.

Suffisamment de carcasses

Jusqu’à présent, la majeure partie du débat s’était concentrée sur l’Afrique. Ici, le but de ces travaux était d’examiner la situation au niveau de la péninsule ibérique, une étendue de terre du sud-ouest de l’Europe aujourd’hui divisée principalement entre l’Espagne et le Portugal, vers la fin du Pléistocène inférieur (il y a environ 2,6 millions à 0,8 million d’années). La fin de cette période voit en effet l’arrivée d’hominidés en provenance d’Afrique.

Pour cette étude, une équipe dirigée par Jesús Rodríguez, du Centre National de Recherche sur l’Évolution Humaine (CENIEH), en Espagne, a effectué des simulations informatiques permettant de savoir si les espèces disparues de félins à dents de sabre Homotherium latidens et Megantereon whitei, ainsi que le jaguar européen (Panthera gombaszoegensis), auraient pu laisser derrière eux suffisamment de charognes pour subvenir aux besoins des populations d’hyènes et d’hominidés.

Les résultats soutiennent que c’était effectivement le cas. Ces carcasses proposaient également une grande quantité de nourriture comestible. Les auteurs supposent que ces restes récupérés pourraient avoir été une source importante de calories pour les hominidés, en particulier en hiver, lorsque les ressources végétales étaient rares.

chat dent de sabre Homotherium latidens hyènes géantes
Illustration d’un félin à dents de sabre. Crédits : Mauricio Anton

Les groupes moyens favorisés

Les chercheurs ont également modélisé des scénarios dans lesquels des hominidés rivalisaient avec des hyènes géantes (Pachycrocuta brevirostris) pour se nourrir des carcasses. Pour information, ces animaux mesuraient environ 1,2 à 1,5 mètre de long du museau à la base de la queue, avec une hauteur d’épaule d’environ 0,9 à 1 mètre. Leur poids pouvait atteindre jusqu’à 100 à 150 kilogrammes, ce qui en faisait des hyènes considérablement plus grandes que les hyènes modernes que l’on trouve en Afrique aujourd’hui.

« Comme vous vous en doutez peut-être, un carnivore de cette taille serait un redoutable ennemi pour un seul hominidé. Cependant, un groupe d’hominidés pouvait chasser une hyène en jetant des pierres et en effectuant une démonstration agressive« , notent les auteurs.

L’exécution des simulations a cependant montré que le maintien d’une taille de groupe optimale était essentiel au succès de la stratégie de récupération des hominidés. Selon les simulations, il était en effet plus souhaitable de récupérer les carcasses en groupes de taille moyenne. Des groupes trop restreints auraient amené nos ancêtres à se faire chasser avec les hyènes rivales, tandis que des groupes trop importants n’auraient pas été suffisamment rassasiés par une seule carcasse.

Les détails de ces travaux sont publiés dans la revue Scientific Reports.