Le Nobel de chimie récompense des travaux sur les protéines

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Crédits : Christoph Burgstedt/istock
Le prix Nobel de chimie 2024 est consacré aux protéines. Le premier lauréat, David Baker, a réussi l’exploit presque impossible de créer des types de protéines entièrement nouveaux. Les deux autres lauréats, Demis Hassabis et John Jumper, ont de leur côté été récompensés pour avoir développé un modèle d’IA pour résoudre un problème vieux de 50 ans : prédire les structures complexes des protéines. Ces découvertes recèlent un potentiel énorme.

Nouveaux lauréats

Après la médecine et la physique, place à la chimie. Il y a trois ans, le comité avait attribué le Nobel à deux chercheurs pour leurs travaux ayant permis le développement d’un nouvel outil précis de construction moléculaire : l’organocatalyse. Il y a deux ans, le prix Nobel avait été remis conjointement à Carolyn Bertozzi, K. Barry Sharpless et Morten Meldal pour le développement de la « chimie click ». Enfin l’année dernière, le précieux sésame récompensait la découverte et le développement des points quantiques.

Pour cette année 2024, le prix Nobel de chimie a été décerné conjointement à David Baker pour la conception computationnelle de protéines, ainsi qu’à David Hassabis et John M. Jumper pour la prédiction de la structure des protéines. Voici les différents points à retenir.

Conception de novo et le travail de David Baker

En 2003, David Baker a franchi une étape révolutionnaire dans la biologie moléculaire en parvenant à créer des protéines entièrement nouvelles. Cette percée s’inscrit dans une discipline appelée conception de novo où les protéines ne sont plus limitées aux séquences existantes observées dans la nature. Au lieu de cela, les chercheurs peuvent concevoir des protéines à partir de zéro en imaginant et en générant des structures inédites avec des fonctions spécifiques.

La clé de cette avancée réside dans un logiciel, appelé Rosetta, qui a été développé par l’équipe de Baker. Ce programme utilise des algorithmes pour prédire la façon dont les acides aminés se plient en une structure tridimensionnelle, ce qui détermine en grande partie la fonction d’une protéine. En combinant des connaissances issues de la biophysique et des avancées informatiques, Rosetta permet non seulement de prédire des structures protéiques, mais aussi de concevoir des protéines aux fonctions précises et inédites.

Cette capacité à générer des protéines sur mesure a des implications immenses dans divers domaines scientifiques et industriels. En médecine, la conception de novo peut par exemple être utilisée pour créer des enzymes capables de dégrader des molécules toxiques, de développer de nouveaux médicaments ou d’améliorer les systèmes immunitaires. Autre exemple dans le domaine de la nanotechnologie, où ces protéines personnalisées peuvent servir de matériaux pour fabriquer des nanostructures complexes.

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David Baker, Demis Hassabis et John Jumper. Crédits : Nobel Prize Outreach

AlphaFold2 : Une révolution par l’intelligence artificielle

En 2020, Demis Hassabis et John Jumper, chercheurs au sein de Google DeepMind, ont de leur côté réussi à résoudre l’un des plus grands défis de la biologie moléculaire avec l’intelligence artificielle : prédire la structure des protéines à partir de leurs séquences d’acides aminés. Pendant des décennies, les scientifiques ont tenté de déchiffrer cette énigme, connue sous le nom de problème du repliement des protéines, qui était resté non résolu depuis plus de 50 ans.

Le modèle développé par DeepMind, appelé AlphaFold2, a permis une avancée sans précédent. Contrairement aux méthodes traditionnelles laborieuses de cristallographie aux rayons X ou de microscopie électronique cryogénique, AlphaFold2 utilise des techniques avancées de machine learning pour prédire avec une précision exceptionnelle la structure tridimensionnelle d’une protéine, simplement à partir de la séquence de ses acides aminés.

L’impact de ce modèle a été phénoménal. En seulement quelques années, AlphaFold2 a permis de prédire la structure de presque toutes les protéines identifiées par les scientifiques, soit environ 200 millions de structures. Cette base de données colossale a transformé la recherche en biologie moléculaire et en biochimie, facilitant grandement la compréhension des mécanismes sous-jacents de nombreuses maladies et accélérant la recherche de nouveaux traitements.

En somme, ces travaux ont ouvert des perspectives immenses pour la science et la technologie en permettant non seulement de visualiser les structures de protéines complexes en quelques minutes, mais aussi en offrant l’opportunité d’en créer de nouvelles pour résoudre des défis médicaux et environnementaux. La combinaison des approches de Baker, Hassabis et Jumper illustre l’incroyable potentiel des protéines comme outils chimiques de la vie, ces dernières pouvant être contrôlées, conçues et prédites à une échelle inédite.