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N’espérez pas entendre cette nouvelle grenouille

grenouille roseau à gorge épineuse d'Ukaguru
La grenouille roseau à gorge épineuse d'Ukaguru. Crédit : Christoph Liedtke

Une équipe de biologistes annonce la découverte d’une nouvelle espèce de grenouille à gorge épineuse en Tanzanie. Comme ses congénères du même genre, cet amphibien dispose d’un trait inhabituel : il est complètement silencieux. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue PLOS ONE.

Au cours de l’année 2019, des biologistes se sont envolés pour les montagnes Ukaguru, en Tanzanie, dans le but d’identifier la présence du crapaud arboricole Churamiti maridadi, un amphibien endémique de la région qui n’a été observé que deux fois à l’état sauvage. Malheureusement, les chercheurs n’ont repéré aucun de ces crapauds. En revanche, ils sont tombés sur une population locale de grenouilles qui étaient jusqu’alors inconnues de la science.

Du braille pour communiquer

Le groupe des grenouilles roseaux à gorge épineuse d’Afrique de l’Est du genre Hyperolius est composé d’espèces morphologiquement similaires de petites grenouilles vert-brun retrouvées principalement dans les forêts et prairies de montagne de Tanzanie, du Malawi et du Mozambique. Les mâles ont pour la plupart de petites épines sur leurs plaques gulaires.

Une combinaison d’analyses génétiques et génomiques a confirmé que cette grenouille nommée Hyperolius ukaguruensis était distincte des autres membres du genre Hyperolius. Son parent évolutif le plus proche serait Hyperolius ruvuensis, une espèce en danger critique d’extinction. Les mesures ont également révélé des proportions corporelles uniques (25 millimètres de long seulement), avec des yeux plus petits par rapport à sa tête en comparaison des autres grenouilles roseaux à gorge épineuse.

Comme ses congénères, Hyperolius ukaguruensis a la particularité de ne jamais vocaliser. Mais alors, comment font-elles pour communiquer ? Pour la biologiste Lucinda Lawson, de l’Université de Cincinnati, les épines sur la gorge des grenouilles mâles pourraient aider leurs homologues femelles à reconnaître leurs partenaires potentiels par le toucher, un peu comme le braille.

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A : une grenouille mâle. B : une femelle. C : un couple mâle/femelle. D : habitat typique de Hyperolius ukaguruensis. Crédits : C. Liedtke.

Une espèce menacée

Jusqu’à présent, ce groupe de grenouilles ne comptait que sept espèces, toutes menacées. A priori, celle-ci ne déroge pas à la règle dans la mesure où les forêts locales sont de plus en plus fragmentées. Le changement climatique et les infections par les champignons chytrides sont deux autres menaces importantes. Décrire cette nouvelle population est donc une première étape vers sa protection.

« En nommant  H. ukaguruensis, nous espérons faire prendre conscience de la valeur d’enquêtes supplémentaires sur la biodiversité et d’un examen taxonomique minutieux en Afrique de l’Est afin d’identifier toute l’étendue des lignées qui s’y trouvent« , concluent les auteurs. « Ceci est particulièrement critique pendant la crise actuelle d’extinction des amphibiens« .

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.