Homo Sapiens et Neandertal s’entendaient suffisamment bien pour s’accoupler. Cependant, le niveau de conversation ayant précédé ces romances interespèces reste un sujet d’incertitude. Dans le cadre d’une étude, des chercheurs se sont ainsi penchés sur la question.
Métissage avec Neandertal
Les preuves génétiques provenant de l’analyse de l’ADN ancien montrent que Neandertal et Homo Sapiens partagent une partie de leur patrimoine génétique. Des études ont en effet révélé que les humains non africains actuels ont en moyenne entre 1 % et 2 % de leur ADN hérité de nos cousins. Cela montre que des accouplements ont bien eu lieu entre ces deux espèces. Ces croisements se sont surtout produits lorsque des groupes d’Homo sapiens ayant quitté l’Afrique sont entrés en contact avec des populations néandertaliennes établies en Eurasie depuis plusieurs dizaines de milliers d’années.
A priori, les interactions entre Néandertaliens et Homo Sapiens ne semblaient pas non plus se limiter aux simples accouplements. Elles pouvaient en effet inclure des échanges culturels, des échanges de connaissances et peut-être même des formes de coopération.
Ce métissage continue aujourd’hui d’avoir un impact sur notre corps. Des recherches ont notamment suggéré que certains gènes responsables de l’augmentation de la longueur du nez peuvent être retracés jusqu’à nos cousins. Nous savons aussi que certains de ces gènes jouent un rôle dans le système immunitaire, quand d’autres peuvent compromettre la capacité de certains à métaboliser des médicaments courants. Plus récemment, des chercheurs ont également établi un lien entre la maladie de Dupuytren, qui touche principalement les Européens du nord, et le matériel génétique de notre cousin Neandertal.
Une question reste toutefois en suspens : comment nos ancêtres communiquaient-ils avec Neandertal ? Des travaux publiés sur le site de prépublication sur PsyArXiv cherchent à y répondre.

Des similarités et des différences
Comme pour d’autres aspects de leur phénotype cognitif et comportemental, les capacités linguistiques des Néandertaliens restent controversées. De ce fait, le niveau de conversation de nos deux espèces reste un sujet de grande incertitude parmi les anthropologues. Dans le cadre d’un article récent, des chercheurs de l’Université de Séville ont néanmoins tenté de répondre à cette question en adoptant une approche multidisciplinaire. Pour ce faire, ils ont revisité la plupart des données disponibles sur la biologie, la cognition et le comportement de Neandertal.
D’après les auteurs, Neandertal parlait probablement des langues qui ressemblaient beaucoup aux nôtres. Cependant, elles auraient été moins complexes sur le plan structurel et moins flexibles sur le plan fonctionnel. En effet, si le tractus vocal de nos cousins était très comparable au nôtre, ce qui suggère qu’ils étaient capables de produire la plupart des mêmes sons que nous, et si leur audition s’apparentait à celle des humains modernes, ce qui indique qu’ils possédaient le matériel nécessaire à une communication vocale complexe, la forme de leur cavité crânienne suggère néanmoins que leur cerveau était moins « globuleux » que le nôtre. Cela signifie que le thalamus (fortement impliqué dans le traitement du langage) était peut-être moins proéminent.
Cela suggère que Neandertal était moins capable de « pensée intermodale ». Il s’agit de la capacité de notre esprit à intégrer et à traiter des informations provenant de différentes modalités sensorielles simultanément (tels que la vision, l’ouïe et le toucher). En ce sens, Neandertal n’avait donc probablement pas la capacité de créer des structures linguistiques complexes en combinant différents concepts. De plus, la relative simplicité des outils néandertaliens suggère qu’il ne partageait pas notre capacité de « pensée hiérarchique ». Là encore, cela laisse penser qu’il était probablement incapable de construire des phrases ou en tout cas des phrases complexes.
Un riche consonantisme ?
En ce qui concerne le son du langage néandertalien, rappelons que nos cousins évoluaient principalement dans des environnements froids, secs et ouverts. Or, il existe une certaine corrélation entre ces environnements et certains traits linguistiques, y compris un riche consonantisme (une langue qui possède un grand nombre de consonnes distinctes). Dans les climats froids, l’air peut en effet affecter la production des sons de la parole, ce qui peut favoriser le développement de consonnes produites avec une constriction plus marquée.
Les langues des régions arctiques sont notamment connues pour leur consonantisme riche, comprenant des sons tels que des consonnes éjectives et des consonnes uvulaires. Ces caractéristiques peuvent aider à produire des sons plus distincts et audibles dans des environnements froids où la propagation du son peut être difficile. D’autres langues comme le tchèque, le polonais et le hongrois sont aussi connues pour avoir un riche inventaire de consonnes.
Malgré tout, les chercheurs en conviennent : il s’agit d’une représentation très grossière et hautement spéculative d’une langue néandertalienne putative. De l’aveu même de l’auteur, il est même peu probable que nous sachions un jour avec certitude comment parlaient nos anciens cousins.