Pourquoi la NASA s’oppose à ce nouveau projet de mégaconstellation

Starlink satellites
Crédits : capture Vimeo / Marco Langbroek

La NASA s’est récemment opposée à la demande d’une société de construire une mégaconstellation de satellites, invoquant ses inquiétudes quant aux risques de collisions. C’est la première fois que l’agence spatiale s’oppose publiquement à une telle demande d’accès au marché.

Pour permettre un meilleur signal Internet, nous devons « passer par le ciel ». Dans cet esprit, plusieurs entreprises ambitionnent de placer des milliers de satellites communiquant entre eux en orbite basse. Avec son projet de constellation Starlink, SpaceX est la plus connue, mais il y en a d’autres.

Amazon, par exemple, prévoit notamment de lancer environ 3 200 satellites à large bande dans le cadre de son projet Kuiper. La Société OneWeb en a également déjà libéré plusieurs dizaines sur les 650 prévus dans sa flotte. Ce projet est en revanche depuis en suspens. La société vient en effet de faire faillite. Toutefois, elle sera visiblement rachetée par un consortium dirigé par le gouvernement britannique et la société indienne Bharti Global.

Ceci dit, d’autres aimeraient également profiter de cette nouvelle niche économique. La société américaine AST & Science en fait notamment partie.

Celle-ci vient en effet de déposer une demande auprès de la Federal Communications Commission pour s’octroyer le droit de construire et libérer une constellation de plus de 240 satellites. Il s’agirait essentiellement de grandes « tours cellulaires » capables de fournir des connexions haut débit en 4G et 5G. La société, basée au Texas, vient de lever environ 120 millions de dollars pour ce projet de constellation baptisé « SpaceMobile ».

La NASA s’y oppose

Toutefois, tout le monde n’est pas d’accord avec ce projet, dont la NASA, qui l’a récemment fait savoir. Dans un commentaire à la demande, l’agence américaine détaille en effet ses vives préoccupations concernant les potentiels risques de collisions capables de mettre en danger ses différents actifs en orbite.

La NASA explique s’être sentie obligée de commenter la proposition d’AST pour plusieurs raisons. Premièrement, il est prévu que ces satellites évoluent à environ 720 km d’altitude. Autrement dit, ce sera quasiment à hauteur même d’un groupe de dix satellites de surveillance de la Terre baptisé « A-Train » exploités par la NASA et l’US Geological Survey (en collaboration avec la France et le Japon) à 705 km d’altitude.

« L’expérience historique avec la constellation A-Train a montré que cette région particulière de l’espace a tendance à produire un grand nombre de conjonctions entre les objets spatiaux« , explique notamment l’agence américaine.

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Une fusée Falcon 9 lance une mission Starlink en janvier 2020. Crédits : Spacex

Des risques « inacceptables »

Les satellites sont également lourds, et immenses. Afin de fournir le service, AST prévoit en effet de construire des engins d’une tonne dotés de grandes antennes à réseau phasé de 900 mètres carrés. En comparaison, un satellite Starlink pèse 260 kilos et présente environ 30 mètres carrés de panneaux solaires.

Selon la NASA, manœuvrer autour de ces instruments serait extrêmement éprouvant. « Pour la constellation achevée de 243 satellites, on peut s’attendre à environ 1 500 actions d’atténuation par an et peut-être 15 000 activités de planification« , a déclaré l’agence spatiale. « Cela équivaudrait à quatre manœuvres et à quarante activités de planification active chaque jour« .

Enfin, l’agence spatiale est également préoccupée par le fait que cette société n’a jamais construit d’instruments aussi lourds. Compte tenu de ce manque d’expérience, l’agence prévoit qu’environ 10% ou plus de ces satellites tombent rapidement en panne. Cela les rendra alors incapables d’être manœuvrés pour éviter les collisions. Aussi, elle juge ces risques « inacceptables« .

Naturellement, la NASA n’a pas le pouvoir de décider si AST pourra libérer ses satellites. Néanmoins, son avis pourrait peser lourd. De son côté, la société a tenté de calmer le jeu. « Nous avons examiné la lettre de la NASA et sommes convaincus que nous pouvons travailler avec eux pour répondre à leurs préoccupations« , a notamment déclaré Raymond Sedwick, scientifique en chef d’AST.