Comment expliquer la mystérieuse accélération de ce visiteur intestellaire ?

Crédits : ESO/M. Kornmesser

Lors de son passage près du Soleil, Oumuamua, identifié comme le premier objet interstellaire connu du système solaire, a montré une accélération notable non gravitationnelle. Ce comportement inhabituel a donné lieu à plusieurs hypothèses, certaines suggérant qu’il pourrait s’agir d’un objet artificiel. Or, selon de nouvelles recherches publiées ce mercredi 22 mars dans la revue Nature, ces étranges mouvements de l’objet pourraient avoir une explication qui n’a absolument rien à voir avec des extraterrestres.

Une légère (et étrange) accélération

Oumuamua est une roche qui s’est illustrée en passant près de la Terre en 2017. Initialement classé comme une comète, son absence de coma (nuage de gaz et de poussière qui entoure normalement les comètes), sa forme allongée et sa trajectoire inhabituelle ont finalement amené les chercheurs à considérer cet objet comme un potentiel astéroïde interstellaire. Autrement dit, il nous venait d’un autre système (probablement un système à deux étoiles).

En raison de ces caractéristiques, certains scientifiques ont cependant spéculé que Oumuamua pourrait être un objet artificiel, peut-être même une sonde extraterrestre envoyée pour explorer notre système solaire. L’un des arguments avancés pour soutenir cette hypothèse était que l’objet semblait avoir accéléré à l’approche de notre étoile. Les comètes ont ce genre d’accélération lorsque la glace en leur sein commence à être chauffée par le soleil. Cependant, comme dit plus haut, Oumuamua ne semblait pas être une comète, du moins en apparence.

Comment alors expliquer ces étranges mouvements vers l’avant ? De nouveaux travaux publiés par des chercheurs de l’Université de Californie, à Berkeley, proposent une explication plus banale : des molécules d’hydrogène piégées dans la glace, sous la surface de Oumuamua, pourraient avoir été libérées sous l’effet de la chaleur du Soleil. Autrement dit, l’accélération ne serait l’effet que d’un simple dégazage. Ces molécules d’hydrogène n’auraient cependant pas été détectables dans les observations faites depuis la Terre.

Oumuamua
Voici à quoi Oumuamua aurait pu ressembler de près. Crédits : NASA, ESA et Joseph Olmsted et Frank Summers de STScI

Oumuamua serait bien une comète

Pour en arriver à ces conclusions, les chercheurs ont modélisé la possibilité que l’hydrogène piégé dans la roche puisse expliquer son accélération.

Selon le scénario privilégié, Oumuamua serait né dans un système planétaire lointain en tant qu’objet ordinaire ressemblant à une comète. À un moment donné, il y a des centaines de millions d’années, cet objet aurait été exclu de son système d’origine pour une raison encore indéterminé, entamant alors un long voyage dans l’espace interstellaire au cours duquel les rayons cosmiques auraient frappé l’eau emprisonnée dans son corps. Ce processus aurait alors permis la libération des atomes d’hydrogène qui se sont ensuite recombinés en molécules d’hydrogène.

Par la suite, ces molécules d’hydrogène sont restées piégées dans des poches de glace désorganisée présentes dans Oumuamua. Au fur et à mesure qu’il se rapprochait du Soleil, l’hydrogène contenu dans cette glace se serait alors échappé en quantité suffisante pour propulser légèrement l’objet.

« Je pense que cette explication a beaucoup de sens« , a déclaré Marco Micheli, astronome au Centre de coordination des objets géocroiseurs de l’Agence spatiale européenne en Italie. « C’est probablement le modèle le plus cohérent à ce jour qui explique pleinement ce que nous avons observé sur ‘Oumuamua sans avoir besoin d’explication exotique« .

Toujours selon le chercheur, cet effet de l’hydrogène se produit probablement également sur les comètes « classiques » du système solaire. Cependant, ce dégazage n’affecte probablement pas la vitesse ou la trajectoire de ces objets à moins qu’ils ne soient, comme Oumuamua, très petits.