matière noire
Crédits : Wirestock/istock

Un modèle suggère une production de matière noire lors de l’inflation pré-Big Bang

Depuis des décennies, les scientifiques s’efforcent de percer les secrets de la matière noire, cette mystérieuse substance invisible qui compose plus de 80 % de la matière de l’Univers. Une nouvelle hypothèse révolutionnaire avance que cette mystérieuse entité pourrait avoir été produite pendant l’inflation cosmique, une période d’expansion exponentielle de l’Univers survenue après le Big Bang.

Retour sur l’inflation cosmique : une phase clé de l’histoire de l’Univers

L’inflation cosmique est une théorie formulée dans les années 1980 pour résoudre plusieurs énigmes fondamentales de la cosmologie, telles que le problème de l’homogénéité (pourquoi l’Univers est-il si uniforme à grande échelle ?) et celui de la planéité (pourquoi le cosmos semble-t-il avoir une courbure proche de zéro ?). Selon cette théorie, une fraction de seconde après le Big Bang, l’Univers aurait subi une expansion exponentielle extrêmement rapide. En un temps infinitésimal, il aurait en effet augmenté de taille d’un facteur de 10^26, une expansion si rapide qu’elle a résolu ces problèmes en lissant les irrégularités initiales et en rendant l’Univers quasiment plat.

Pendant cette phase d’inflation, il était composé principalement de champs énergétiques, en particulier du champ hypothétique de l’inflaton, une particule scalaire qui serait responsable de cette accélération exponentielle. L’inflaton aurait diffusé son énergie dans tout le cosmos, créant au passage un environnement extrêmement chaud et dense. Lorsque l’inflation s’est terminée, l’énergie de son champ aurait été convertie en particules fondamentales comme les photons, les électrons et les quarks.

Une nouvelle hypothèse proposée par des chercheurs américains suggère toutefois que la matière noire pourrait également être née durant cette période critique et non plus tard comme dans les théories classiques.

Le modèle WIFI : un scénario innovant pour la matière noire

Le modèle WIFI (Warm Inflation via Ultraviolet Freeze-In) propose un scénario novateur pour la formation de la matière noire en la reliant directement à l’inflation cosmique qui a eu lieu juste après le Big Bang.

Ce modèle repose sur un mécanisme appelé gel ultraviolet qui se produit lorsque les particules de matière noire interagissent de manière limitée avec les autres particules du bain thermique à haute énergie. Bien que ces interactions soient rares, elles seraient suffisamment puissantes pour générer progressivement de la matière noire sans qu’elle ne soit diluée par l’expansion rapide de l’Univers. Contrairement à d’autres particules, la matière noire dans ce scénario n’atteint jamais l’équilibre thermique avec le reste du cosmos, ce qui signifie qu’elle reste relativement stable pendant l’inflation.

Les interactions entre les particules ordinaires et la matière noire dans ce modèle ne sont pas assez fréquentes pour permettre une formation massive de matière noire, mais elles seraient suffisantes pour créer une quantité importante qui persistera à travers le processus d’expansion. Le gel ultraviolet évite que cette matière ne soit gonflée ou effacée par l’accélération cosmique, un problème rencontré dans d’autres théories de production qui ne prennent pas en compte ces interactions précoces. En conséquence, ce mécanisme pourrait offrir une explication plus cohérente de la présence de matière noire dans l’Univers primitif.

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Crédit : Geralt sur Pixabay.

Une théorie sur la matière noire qui pourrait révolutionner la cosmologie

Cette hypothèse est d’une importance capitale, car elle ne se limite pas à proposer un nouveau regard sur la matière noire. Elle ouvre également des perspectives fascinantes pour comprendre les premières étapes de l’Univers. Tout d’abord, le modèle WIFI invite à explorer des phénomènes encore mal compris, comme le gel ultraviolet. Ce mécanisme pourrait nous offrir une vision nouvelle des interactions fondamentales entre les particules et dévoiler des aspects inédits de la physique. Le gel ultraviolet remet notamment en question nos connaissances sur la manière dont les particules se forment et interagissent dans des conditions extrêmes, comme celles qui prévalaient juste après le Big Bang.

En outre, si cette théorie est confirmée, elle pourrait bouleverser les modèles actuels de la physique des particules et de la cosmologie. Les mécanismes de production de matière noire, tels que proposés par le modèle WIFI, seraient bien différents de ceux envisagés jusque-là, ce qui remettrait en cause les cadres théoriques existants. Une telle révision pourrait non seulement redéfinir notre compréhension de la matière noire, mais aussi affecter la manière dont nous appréhendons l’évolution du cosmos à ses débuts.

Enfin, cette hypothèse offre une fenêtre unique sur les origines de l’Univers. En plaçant la formation de la matière noire durant l’inflation cosmique, elle permettrait d’accéder à des périodes de l’histoire cosmique jusqu’ici inaccessibles. Cela pourrait offrir des informations cruciales sur l’état du cosmos juste après le Big Bang, une époque pendant laquelle les conditions étaient extrêmement difficiles à étudier avec les outils actuels.

Quelles perspectives pour tester cette théorie ?

Le modèle WIFI demeure pour l’instant une hypothèse théorique, mais les chercheurs sont optimistes quant à sa vérification grâce aux progrès expérimentaux attendus dans les années à venir. Un des principaux axes de recherche pour tester cette théorie réside dans l’étude du fond diffus cosmologique (CMB), cette lumière fossile émise environ 380 000 ans après le Big Bang, lorsque l’Univers est devenu suffisamment transparent pour que la lumière puisse s’y propager librement.

L’analyse de cette lumière permet d’observer des informations précieuses sur les conditions de l’Univers primitif. La détection et l’étude de signatures spécifiques dans le CMB pourraient plus particulièrement fournir des indices cruciaux concernant les propriétés de l’inflation chaude, un concept central du modèle WIFI. L’inflation chaude postule qu’après l’expansion rapide de l’Univers au début de l’inflation, l’énergie générée par ce processus aurait contribué à la production de particules, dont la matière noire, d’une manière qui pourrait être révélée dans les fluctuations de température et de densité présentes dans le CMB.

Les progrès technologiques des prochains instruments d’observation, comme ceux qui mesurent les anisotropies du fond diffus cosmologique, pourraient donc offrir une possibilité unique de confirmer ou d’infirmer l’existence de l’inflation chaude et, par conséquent, d’approfondir notre compréhension du rôle de l’inflation dans la formation de la matière noire.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.