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La planète vénus. Crédits : JAXA

Une mission en ballon pourrait explorer Vénus indéfiniment

Lorsque l’on parle d’exploration spatiale, Mars occupe souvent le devant de la scène. Pourtant, notre plus proche voisine, Vénus, recèle de nombreux mystères qui pourraient éclairer l’histoire des planètes rocheuses. Avec une atmosphère dense et des températures infernales au sol, elle est souvent qualifiée d’enfer brûlant. Cependant, à une altitude de 50 à 60 kilomètres, les conditions y sont bien plus clémentes, ce qui en fait un lieu propice à l’exploration. Mais comment explorer durablement cette planète hostile ? Jusqu’à présent, les missions vénusiennes ont été de courte durée, limitées par les conditions extrêmes. Un projet novateur propose une solution radicale : un ballon capable de rester en vol indéfiniment en produisant lui-même son gaz porteur et son énergie. Développé par une équipe du MIT, ce concept pourrait révolutionner notre approche de Vénus et au-delà.

L’exploration de Vénus et ses défis

Vénus a été explorée par plusieurs missions, notamment les sondes soviétiques Venera dans les années 1970 et 1980. Certaines ont réussi à atteindre la surface, mais aucune n’a survécu plus de quelques heures en raison des conditions extrêmes : des températures dépassant 450 °C et une pression atmosphérique 92 fois supérieure à celle de la Terre.

Une alternative aux atterrisseurs consiste à utiliser des ballons stratosphériques pour explorer la haute atmosphère de Vénus, où les conditions sont plus clémentes. En 1985, les missions soviétiques Vega 1 et 2 ont envoyé des ballons capables de flotter dans l’atmosphère vénusienne. Ils ont fonctionné pendant environ 46 heures avant de perdre leur flottabilité.

Toutefois, cette approche présente plusieurs défis majeurs. D’une part, il y a la perte de gaz : les ballons classiques finissent en effet par laisser s’échapper l’hélium ou l’hydrogène qui leur permet de flotter, ce qui limite ainsi leur durée de vie. D’autre part, l’alimentation en énergie est également un problème : les nuits sur Vénus durent environ 50 heures, ce qui complique l’approvisionnement en électricité pour les instruments scientifiques. Enfin, l’environnement est particulièrement corrosif avec une atmosphère chargée d’acide sulfurique qui pourrait endommager les équipements.

Face à ces contraintes, le projet EVE (Exploring Venus with Electrolysis) propose une solution innovante. En exploitant les ressources locales et en produisant son propre gaz porteur ainsi que son énergie, ce ballon pourrait surmonter ces limites et explorer Vénus sur une durée indéterminée.

Une solution innovante

L’idée derrière EVE repose sur l’adaptation d’une technologie déjà testée sur Mars : MOXIE (Mars Oxygen ISRU Experiment), qui a démontré la capacité de produire de l’oxygène à partir du CO₂ martien à l’aide d’un procédé appelé électrolyse à oxyde solide (SOE). Sur Vénus, l’atmosphère est composée à 96% de dioxyde de carbone. Grâce au même procédé, EVE pourrait extraire de l’oxygène et du monoxyde de carbone (CO) à partir de ce CO₂. Cela apporterait deux avantages majeurs :

  1. Un ballon qui ne perd jamais son gaz porteur : l’oxygène produit pourrait remplacer en continu le gaz initial du ballon, empêchant toute perte de flottabilité.
  2. Une source d’énergie renouvelable : pendant la nuit vénusienne, une fraction du CO et de l’oxygène produits pourrait être réutilisée dans un processus inverse, produisant de l’électricité pour alimenter les instruments sans nécessiter de batteries lourdes.

En d’autres termes, le ballon serait capable de flotter et de fonctionner sans interruption, en s’auto-entretenant grâce aux ressources locales. Un autre avantage est que l’atmosphère dense de Vénus simplifierait la mise en œuvre du processus SOE. Contrairement à Mars, où il faut miniaturiser des pompes pour collecter le CO₂, un simple ventilateur suffirait sur Vénus. De plus, la proximité du Soleil fournirait une énergie solaire abondante pendant la journée.

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Concept artistique mettant en valeur la nouvelle approche proposée par la sélection 2025 du concours NIAC Exploring Venus with Electrolysis (EVE). Crédits : NASA/Michael Hecht

Vers une exploration durable de Vénus

Le projet EVE ne se limite pas à un simple ballon stationnaire. Il pourrait servir de base flottante pour explorer Vénus de manière bien plus approfondie. Ce projet pourrait notamment transporter des instruments scientifiques pour analyser l’atmosphère, la météorologie et la chimie vénusiennes. Il pourrait également servir de relais pour d’autres missions, y compris des drones atmosphériques capables d’aller plus bas et de capturer des échantillons. Enfin, il offrirait un modèle réplicable sur d’autres planètes ou lunes comme Titan, la lune de Saturne qui possède une atmosphère épaisse et une chimie complexe.

Bien sûr, des défis restent à relever. L’un des principaux est la corrosion due à l’acide sulfurique. Cependant, l’équipe du MIT envisage d’utiliser des revêtements résistants, comme le Téflon, pour protéger les composants critiques. De plus, la technologie doit encore être optimisée en termes d’efficacité énergétique. L’objectif est d’atteindre 75 % de conversion du CO₂ en O₂ et CO, un rendement suffisant pour maintenir la flottabilité et l’alimentation électrique sans risquer d’obstruer les composants avec des dépôts de carbone.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.