Danionella cerebrum un petit poisson transparent et surtout particulièrement bruyant
Crédits : Capture YouTube

Gare à ce minuscule poisson qui fait autant de bruit qu’un coup de feu

Dans la nature, on s’attend logiquement à ce que les animaux plus larges fassent plus de bruit. Par exemple, lorsque le cachalot communique, il émet des séries de clics, les codas, qui peuvent grimper jusqu’à 200 décibels. Le barrissement de l’éléphant peut quant à lui s’élever à 117 décibels et du côté des humains, comptez 129 décibels pour le cri le plus tonitruant. Toutefois, la nature est parfois pleine de surprises. Alors, ne vous laissez pas berner par la taille de ce tout petit poisson transparent. Bien qu’il soit aussi petit qu’un ongle humain adulte, il peut en effet laisser échapper des sons… qui dépassent les 140 décibels.

Des bruits étranges en provenance d’un aquarium…

Il n’y a rien d’étonnant à ce que des scientifiques de l’Hôpital universitaire de la Charité de Berlin gardent quelques spécimens de l’espèce Danionella Cerebrum dans leurs locaux. Ces poissons originaires de Birmanie et de la famille des Cyprinidae sont en effet souvent étudiés dans le domaine des neurosciences. Leur transparence permet d’étudier leur comportement ainsi que leur cerveau en pleine action. C’est toutefois pour une toute autre caractéristique qu’ils figurent dans une étude publiée le 26 février dans le journal PNAS. Lorsqu’ils passaient à proximité des aquariums dans leur laboratoire, les chercheurs entendaient en effet un bourdonnement inexpliqué et particulièrement fort qui n’a pas manqué de les intriguer. Ils découvrirent rapidement que cela venait des poissons.

Bien qu’ils soient aussi minuscules qu’un ongle humain adulte et comptent donc parmi les plus petits poissons au monde (en plus d’avoir aussi le plus petit cerveau chez les vertébrés), il s’avère qu’ils peuvent laisser échapper un son qui dépasse les 140 décibels. Du haut de leurs douze millimètres, ils rivalisent ainsi tantôt avec un coup de feu, la sirène d’une ambulance, un marteau-piqueur ou même un moteur à réaction situé à trente mètres d’après les chercheurs. En s’éloignant d’un mètre, ces derniers ont même pu mesurer une amplitude d’environ 108 décibels, soit autant qu’un bulldozer.

Danionella cerebrum un poisson minuscule, mais particulièrement bruyant
Source: DR
Des poissons de l’espèce Danionella Cerebrum. Crédits : Wikimedia Commons/AngryBurmese

Comment un si petit poisson peut-il faire un tel vacarme ?

Les chercheurs ont évidemment cherché à comprendre les mécanismes à l’œuvre chez ce poisson. En effet, la plupart des poissons forment des sons grâce à leur vessie natatoire, un organe rempli de gaz impliqué dans la flottaison, et des contractions de muscles spécialisés. Ce n’est toutefois pas le cas chez Danionella Cerebrum. Des vidéos en accéléré et une technique d’imagerie à rayons-X 3D pour étudier la formation des sons ont alors permis de découvrir un mécanisme de production sonore tout à fait unique en son genre.

Il se base sur une côte, un muscle résistant à la fatigue et du cartilage qui peuvent ensemble atteindre des forces extrêmes. Plus précisément, la côte est ici très proche de la vessie natatoire. Quand le muscle se contracte, cela appuie sur la côte et crée de la tension sur le morceau de cartilage à l’intérieur dudit muscle. Au relâchement du cartilage, cela tape sur la vessie et produit les battements rapides et forts observés ici.

Comme l’expliquent les scientifiques, cette découverte est importante. « Comprendre cette adaptation extraordinaire élargit nos connaissances sur le mouvement des animaux et souligne la diversité remarquable de mécanismes de propulsion d’une espèce à une autre, contribuant à une vision plus vaste de la biologie évolutive et de la biomécanique. »

À quoi ces sons servent-ils ?

Pour l’heure, les chercheurs ne savent pas pourquoi ces poissons émettent des sons si fort. Ils pensent que cela pourrait les aider à naviguer dans les eaux birmanes particulièrement troubles. Il est également possible qu’il s’agisse d’une technique de communication agressive utilisée par les mâles de cette espèce pour dissuader la compétition. En effet, les femelles n’émettent quant à elles aucun son et les mâles ont une côte plus dure.

Les scientifiques ont en outre remarqué que certains spécimens étaient plus bruyants que les autres. « Nous savons que quand vous en avez peut-être huit mâles ensemble dans un grand aquarium, alors trois d’entre eux domineront la production de son et les autres seront silencieux. Nous pensons donc qu’il y a une sorte de hiérarchie. »

Vous pouvez écouter des enregistrements de ce poisson ici :

Notez enfin que si on ne retrouve de tels niveaux sonores chez aucun autre spécimen de cette taille, d’autres animaux peuvent aussi faire énormément de bruit sous l’eau. Les « crevettes pistolets », qui portent définitivement bien leur nom, émettent par exemple des sons pouvant aller jusqu’à 200 dB lorsqu’elles chassent.

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.