Les microplastiques sont de minuscules particules issues de la pollution plastique qui concerne toute la planète, depuis les plus hauts sommets jusqu’aux profondeurs des océans. Ils ne représentent toutefois pas seulement un danger potentiel pour l’environnement, le climat mondial, la faune et la flore. On retrouve en effet ces particules partout autour de nous au quotidien, que ce soit dans les cigarettes que nous fumons, dans les vêtements que nous portons, les produits cosmétiques que nous appliquons, l’eau que nous ingérons, la nourriture que nous consommons et même dans l’air que nous inhalons. Au final, en 2024, nous en consommons l’équivalent du poids d’une carte bleue par semaine (soit cinq grammes).
Alarmés par cette forte exposition aux microplastiques par le biais de la chaîne alimentaire et le fait qu’ils « semblent être partout » comme s’en inquiète le Pr Eliseo Castillo, auteur principal de l’étude, des chercheurs de l’Université du Nouveau-Mexique (États-Unis) ont essayé de déterminer l’impact de cette pollution sur notre système digestif, en particulier sur le tractus gastro-intestinal (GI) et sur le système immunitaire intestinal. Dans leurs travaux publiés récemment dans la revue Environment Health Perspectives, ils tirent à présent la sonnette d’alarme.
Étudier les effets des microplastiques sur le système digestif
Pour mener à bien ces recherches, les scientifiques ont ici utilisé du polystyrène ou encore du polyéthylène pour exposer des souris aux mêmes quantités de microplastiques que nous pendant un mois. Ils ont pour cela eu recours à une eau potable contenant des particules minuscules administrées par gavage gastrique oral deux fois par semaine. Après un mois déjà, ils purent repérer des changements physiques chez les rongeurs. En isolant et en analysant les organes des souris, ils furent en effet étonnés de constater la présence de particules plastiques dans le foie, les reins, le côlon ainsi que le cerveau.
« Nous avons pu détecter des microplastiques dans certains tissus après l’exposition. Cela nous indique qu’ils peuvent traverser la barrière intestinale et s’infiltrer dans d’autres tissus » ayant aussi au passage un « impact significatif sur nos voies digestives », détaille le Pr Castillo dans un communiqué. Or, en commençant leurs recherches, les scientifiques étaient loin d’imaginer qu’une migration des intestins vers d’autres organes était possible.
Ils ont par ailleurs observé que sur leur passage, ces petites particules « modifiaient les voies métaboliques (des réactions chimiques dans nos cellules, NDLR) dans les tissus affectés ». Ils décrivent ainsi des « différences métaboliques survenues dans le côlon, le foie et le cerveau qui ont montré des réponses différentielles dépendantes de la concentration et du type d’exposition » au plastique.
Quels sont les risques des microplastiques pour la santé ?
Si par le passé, on connaissait mal les risques que représente cette pollution dans notre organisme, de plus en plus d’études s’intéressent à son impact sur la santé. Plus tôt en avril, deux d’entre elles avaient ainsi déjà rapporté des effets potentiels inquiétants. En mars 2024, des recherches menées pendant trois ans auprès de 300 personnes atteintes d’athérosclérose avaient par exemple prouvé que certaines plaques dans la carotide (l’artère majeure du cou) étaient tapissées de micro et nanoplastiques, les exposant ainsi à un risque de crise cardiaque, d’AVC ou de décès jusqu’à quatre fois supérieur en comparaison avec les personnes qui n’en présentaient pas. Cela avait ainsi fourni la première preuve d’un effet direct sur la santé humaine attribué à ces particules.
Pour une recherche publiée le 5 avril 2024, des chercheurs chinois avaient ensuite étudié les calculs biliaires de seize patients atteints de cholélithiase. Ils avaient ainsi constaté qu’ils contenaient bel et bien du plastique. Par ailleurs, ils avaient conclu que ces particules semblaient modifier le microbiote intestinal, favoriser la formation des calculs et aggraver ce trouble, et ce, plus particulièrement chez les patients les plus jeunes qui affichaient des taux plus élevés de polluants.
Et quels sont les risques mis en avant par cette étude ?
Cette nouvelle étude ne montre pas seulement que le plastique peut migrer vers d’autres organes et modifier les voies métaboliques dans les tissus affectés, mais aussi que cela « peut modifier la réponse inflammatoire de l’organisme », explique Eliseo Castillo qui avait déjà observé un effet similaire en 2021 : « lorsque les macrophages [des cellules immunitaires protègent notre organisme contre les particules étrangères, NDLR] rencontraient et ingéraient des microplastiques, leur fonction était altérée et ils libéraient des molécules inflammatoires ».
« Imaginez maintenant que quelqu’un souffre d’une maladie sous-jacente et que ces changements se produisent, l’exposition aux microplastiques pourrait-elle l’exacerber ? », se questionne le scientifique en faisant référence à des maladies chroniques (maladie cœliaque, obésité, maladie hépatique stéatosique, rectocolite hémorragique, maladie de Crohn, etc.). Il ajoute par ailleurs que ces animaux n’ont été exposés que pendant un mois. « Maintenant, réfléchissez à la façon dont cela équivaut aux humains, si nous sommes exposés depuis la naissance jusqu’à la vieillesse. »
Enfin, il affirme que ces travaux sont cruciaux dans la mesure où « la recherche continue de démontrer l’importance de la santé intestinale. Si vous n’avez pas une flore intestinale en bonne santé, cela affecte le cerveau, le foie et tellement d’autres tissus », laissant craindre les effets du plastique dans l’intestin et notamment les effets systémiques d’une exposition chronique.
La prochaine phase de ces recherches déjà lancée
Ces découvertes ouvrent la voie à des recherches plus approfondies afin d’explorer les effets des altérations métaboliques dans l’inflammation ou les affections inflammatoires, le métabolisme, la régulation immunitaire ainsi que les dysfonctionnements au sein des organes.
En attendant, une équipe commence déjà à investiguer les effets du régime alimentaire, différent pour chaque individu, sur la consommation de plastique. « Ce que nous allons faire, c’est donner à ces animaux de laboratoire un régime riche en cholestérol et en graisses ou un régime riche en fibres, et ils seront soit exposés, soit non exposés aux microplastiques. L’objectif est d’essayer de comprendre si l’alimentation affecte l’absorption des microplastiques dans notre organisme », détaille le chercheur. Aaron Romero, un étudiant doctorant à l’Université en question, va quant à lui chercher à mieux cerner les raisons pour lesquelles le plastique modifie le microbiote intestinal et comment.
Avec ces études, l’équipe espère dévoiler les effets du plastique sur la santé et encourager ainsi des changements dans la manière dont nous produisons et filtrons les plastiques.