Météorologie : qu’est-ce qu’une « goutte froide » ?

image satellite
Crédits : Sat24

Le terme goutte froide est parfois employé lors des bulletins de prévisions météo à destination du grand public, en vue d’expliquer l’origine de certaines situations météorologiques particulières. Cependant, peu de temps est consacré aux explications concernant la formation et les caractéristiques mêmes des gouttes froides, choses que nous allons explorer dans cet article.

Contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre de l’article, nous ne parlerons pas de la température des gouttes de pluie… Une goutte froide – aussi appelée dépression coupée ou cut-off low dans la langue de Shakespeare – peut être définie comme « une dépression fermée, d’intensité maximale en altitude, c’est-à-dire s’étant complètement détachée du courant d’ouest dominant caractéristique des moyennes latitudes ». En effet, la limite entre l’air polaire au nord et l’air tropical au sud est matérialisée par le courant-jet d’ouest. Ce dernier est constamment parcouru par des ondulations, dont certaines ont une amplitude si importante qu’elles aboutissent à l’éjection et à l’isolement consécutif d’une « bulle » d’air polaire vers le sud*. Cette masse d’air détachée de son réservoir d’origine est alors cernée par un environnement beaucoup plus chaud : voilà notre goutte froide !

goutte froide
Exemple de goutte froide prévue par le modèle GFS pour le 7 septembre 2018. Pression de surface en isolignes blanches, et marqueur du champ de pression en altitude en nuances de couleurs – des couleurs froides indiquant un champ de pression en altitude anormalement bas associé à une masse d’air froid. Crédits : WXCHARTS.EU.

Étant donné que la pression diminue plus rapidement avec l’altitude dans l’air froid que dans l’air chaud, plus on gagne en hauteur, plus la pression dans la goutte froide est basse par rapport à celle de son environnement. Associés à cette bulle d’air polaire, on retrouve par conséquent un minimum de pression et une circulation cyclonique tous deux maximums en altitude. Ces structures pouvant faire plusieurs centaines de kilomètres – voire être de l’ordre du millier de kilomètres de large – sont fréquentes dans l’atmosphère. Elles participent aux transferts d’énergie entre les régions tropicales excédentaires et les régions polaires déficitaires. Les conditions météorologiques qui leur sont liées vont du simple ciel nuageux – certaines gouttes froides passent même inaperçues en termes de temps sensible – aux épisodes pluvio-orageux majeurs se succédant pendant plusieurs jours d’affilée. En pratique, on peut retenir que l’on retrouve très souvent des conditions perturbées (pluie, averses, orages…) du fait de la présence d’air froid en altitude, favorisant une stratification instable des couches atmosphériques.

Schéma de la formation typique d’une dépression coupée. Les figures se lisent dans l’ordre indiqué par les numéros. Les lignes continues représentent approximativement la pression en altitude, plus basse vers le nord et plus haute vers le sud. Les flèches indiquent le courant-jet. Au début, il existe des ondulations dans la circulation d’ouest qui s’amplifient jusqu’à provoquer un étranglement dépressionnaire et la formation d’une goutte froide (indiquée par la lettre L). Dans le même temps se produit l’isolement d’une bulle chaude anticyclonique au nord (H). Sur les dernières vignettes, la goutte froide se fait ré-absorber par la circulation d’ouest. Crédits : R. Nieto & al. 2008.

En plus des événements météorologiques parfois conséquents, un des aspects négatifs associés aux gouttes froides est qu’elles posent souvent de sérieux problèmes en termes de prévisibilité. Puisqu’elles sont déconnectées du flux directeur dominant, leur mouvement est très erratique, parfois même exotique. Certaines d’entre elles font du surplace pendant plusieurs jours – ne facilitant pas l’évacuation des précipitations si elles sont présentes – tandis que d’autres adoptent un mouvement rétrograde et se déplacent vers l’ouest. Parfois, plusieurs dépressions coupées se situent à proximité et s’influencent mutuellement. Les plus vastes – qui peuvent persister plus d’une semaine – ont tendance à « ingérer » les plus petites, lesquelles persistent rarement plus de quelques jours. La plupart du temps, toutefois, leur mouvement reste lent. Une autre difficulté prévisionnelle découle des précipitations associées, souvent de nature convective et sensibles à de petites différences dans les paramètres environnementaux.

La dissipation d’une telle structure se fait en général via deux scénarios qui ne s’excluent pas mutuellement :

  • Lorsqu’elle se reconnecte au réservoir polaire et se fait absorber par la circulation d’ouest de laquelle elle s’était détachée.
  • Lorsqu’elle se fait éroder par l’activité orageuse et/ou pluvieuse en son sein.

Ce second cas se comprend par l’effet lié à la condensation – en particulier celle des nuages orageux – qui relâche d’importantes quantités de chaleur en altitude, ce qui réchauffe le cÅ“ur froid de la dépression et en diminue progressivement l’intensité**. Terminons par mentionner que la climatologie des gouttes froides à l’échelle de l’hémisphère nord indique que leur occurrence est maximale en été et minimale en hiver. En saison froide, elles ont tendance à se produire plus au sud et leur fréquence spatiale présente deux maxima, dont un entre l’Europe de l’Ouest et le nord de l’Afrique, et le second entre le Pacifique est et l’ouest de l’Amérique du Nord. À l’inverse, en été, la répartition longitudinale est beaucoup plus symétrique.

* Fréquemment, on observe également l’isolement d’une bulle d’air chaud associée à une structure anticyclonique vers le nord, mais ce point n’est pas le sujet de l’article.

** La friction près de la surface, transportée en altitude par les mouvements verticaux liés aux amas précipitants participe également à affaiblir la circulation.

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