Les thalwegs et les dorsales – aussi appelés creux et crêtes barométriques – sont des structures fondamentales de la circulation atmosphérique. Elles sont scrupuleusement analysées et suivies par les météorologues, en particulier pour la prévision du temps aux latitudes moyennes. On les retrouve cependant aussi en région tropicale ou en région polaire. Cet article propose une description et une explication de la formation de ces individus isobariques.
Les thalwegs
Selon la définition de la société météorologique américaine (AMS), un thalweg* est « une zone allongée de pression atmosphérique relativement basse ». Dit autrement, il s’agit d’une excroissance dépressionnaire prenant la forme d’une vallée dans le champ de pression horizontal – d’où le vocabulaire emprunté à la géomorphologie. « Ce terme est couramment utilisé pour faire la distinction avec la circulation fermée – circulaire – d’une dépression ». Une zone de basse pression présente ainsi une ou plusieurs extensions dont l’axe est défini par une ligne** passant par leur centre.
On parle aussi bien de thalwegs pour désigner des structures transitoires de petite échelle que pour des structures saisonnières d’échelle planétaire. Par ailleurs, si une dépression peut comporter plusieurs thalwegs, un large thalweg peut comporter plusieurs dépressions. Il est donc fréquent d’observer un emboîtement multi-échelles. En outre, on identifie aussi bien des creux en surface qu’en altitude, sans qu’il y ait forcément de continuité sur la verticale. Enfin, dans certains cas, lorsque l’excroissance s’accentue, elle peut devenir très étroite et s’étrangler en donnant naissance à une goutte froide.
Comment se forme un thalweg ?
Posée ainsi, la question tolère plusieurs réponses. Cela dépend en effet du type de thalweg dont on parle : tropical, polaire, d’altitude, saisonnier, transitoire… ? Nous retiendrons par simplicité la formation classique d’un creux d’échelle synoptique à supra-synoptique caractéristique des moyennes latitudes. Nous nous plaçons dans l’hémisphère nord.
Sous l’effet des instabilités se développant sur le courant-jet, des remontées douces prennent place là où le flux s’oriente au sud et des descentes froides là où le flux s’oriente au nord. C’est cette dernière partie qui nous intéressera ici, même si les deux sont liées et s’influencent mutuellement.
L’air froid qui s’échappe vers les latitudes plus basses se situait initialement à proximité des régions polaires. Or, près du pôle, la verticale locale fait un faible angle avec l’axe de rotation de la Terre (au pôle, les deux sont confondus). Dit autrement, à cause du sens de rotation de la planète, les parcelles d’air possèdent un tourbillon cyclonique important dans le référentiel absolu – celui d’un observateur fixe dans l’espace. On ne le remarque pas dans le référentiel relatif – dans lequel nous sommes installés – car la surface est entraînée dans le même mouvement rotatif.
Cependant, lorsque les parcelles d’air polaire sont déplacées vers le sud, vers des régions où la verticale locale fait un angle plus grand avec l’axe de rotation de la Terre, les choses ne sont plus équilibrées. La surface possède un tourbillon d’entraînement bien moins important à ces latitudes. En conséquence, le tourbillon cyclonique de l’air acquis plus au nord devient apparent pour des observateurs solidaires de la Terre – i.e. du référentiel relatif. Effectivement, en bonne approximation, l’air conserve son tourbillon d’entraînement par inertie ; il ne s’équilibre donc pas directement. Plus les parcelles s’éloignent vers le sud, plus la courbure du flux devient cyclonique et plus le creux s’amplifie.
Comme la masse d’air déplacée est froide sur toute son épaisseur, le champ de pression présente un minimum relatif en altitude. Ensemble, ces éléments se traduisent par la formation d’une excroissance des basses pressions subpolaires en forme de « U » : un thalweg. Dans le cas présent, il est étiré vers le sud.
À plus petite échelle, on retrouve des thalwegs au niveau des fronts chauds, froids ou occlus. Ils sont alors une conséquence de la frontogenèse c’est-à-dire la formation des fronts. Plus d’air quitte la colonne atmosphérique par le haut qu’il n’en arrive par le bas. La pression présente donc un minimum relatif autour des limites frontales, notamment en surface.
Des structures importantes dans le suivi météorologique
Le suivi des creux atmosphériques est d’intérêt, car leur évolution – formation, amplification, atténuation – est associée à la croissance ou la décroissance des perturbations atmosphériques. Dans la circulation d’ouest des moyennes latitudes, on retrouve des mouvements ascendants à l’avant d’un thalweg. Il s’agit donc d’une zone propice aux précipitations. À l’arrière se situent des mouvements descendants, apportant un temps plus calme. Le phasage entre un creux synoptique d’altitude situé en amont d’une anomalie dépressionnaire de basse couche est une configuration particulièrement instable. En effet, les deux structures s’amplifient mutuellement tout en générant de profonds mouvements verticaux. Dans certains cas, cela dégénère en violente tempête.
Lorsque l’on approfondit l’étude, on se rend finalement compte qu’il existe toute une richesse phénoménologique autour de ce concept. Comme souvent, les généralités rapportées à titre de vulgarisation trouvent leur limite. Pour une application pratique, il n’y a d’autres choix que de se confronter à la complexité du réel. Par exemple, certains thalwegs possèdent des ascendances concentrées sur le flanc arrière et des subsidences sur le flanc avant.
Les dorsales
Selon la définition de la société météorologique américaine (AMS) une dorsale est « une zone allongée de pression atmosphérique relativement élevée ». Dit autrement, il s’agit d’une excroissance anticyclonique prenant la forme d’une crête dans le champ de pression horizontal – d’où le vocabulaire emprunté à la géomorphologie. « Ce terme est couramment utilisé pour faire la distinction avec la circulation fermée – circulaire – d’un anticyclone ». Une zone de haute pression présente ainsi une ou plusieurs extensions dont l’axe est défini par une ligne** passant par leur centre.
Cette section est peu développée, car des raisonnements symétriques à ceux fournis pour les thalwegs s’appliquent aux crêtes. Aux exceptions qu’elles ne conduisent pas à des développements explosifs, et que les mouvements descendants se situent à l’avant – par rapport au sens de déplacement de la structure.
* Aussi orthographié « talweg ».
** Il est rare que cela corresponde à une ligne parfaitement droite. La plupart du temps, l’axe est courbé.
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