Au fil du temps, on en apprend de plus en plus sur la composition souvent opaque des produits hygiéniques utilisés pendant les menstruations. Déjà décriés depuis longtemps pour contenir du parfum et du chlore, les serviettes et les tampons contiennent aussi d’autres substances nocives et produits toxiques. En juillet 2018, un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dressait par exemple la liste des composés chimiques dits « préoccupants » dans ces produits de protection intime et s’inquiétait notamment de la présence de lindane et de quintozène (des pesticides), de glyphosate (le célèbre herbicide) et d’autres substances aux effets cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) démontrés, de perturbateurs endocriniens et de sensibilisants cutanés.
Et si le rapport en question concluait à l’absence de risque sanitaire, une nouvelle étude sur le tampon publiée dans la revue Environment international jette une fois de plus le doute sur ce produit très plébiscité en période de règles.
Des métaux découverts pour la première fois dans les tampons (y compris bio)
Malgré quinze milliards d’unités écoulées chaque année et 11 000 utilisées dans une vie sur les cinq années en tout que représentent les menstrues pour les femmes, la composition des protections hygiéniques (tampons, serviettes…) réserve toujours de mauvaises surprises aux personnes qui les utilisent.
Une nouvelle étude proposée par des chercheurs de l’Université Columbia à New York (États-Unis) dans le cadre d’un consortium de chercheurs dirigé par l’université de Berkeley en Californie et mené sur une trentaine de tampons hygiéniques issus de quatorze marques en vente aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Grèce visait en effet à mesurer pour la toute première fois la concentration de métaux dans ces produits de grande consommation. Or, il s’avère qu’ils contiennent seize métaux, dont du plomb, du mercure, de l’arsenic, du cadmium, du chrome et du zinc. Et mauvaise nouvelle : l’enquête ajoute que les protections bio ne sont pas épargnées. En effet, elles contiennent certes moins de plomb, mais plus d’arsenic que leurs homologues traditionnelles.
« Je ne veux pas que les gens paniquent, mais qu’ils sachent que des métaux lourds ont été trouvés dans ces produits menstruels », affirme Kathrin Schilling, professeure adjointe en sciences de la santé environnementale à la Mailman School de santé publique de l’Université Columbia, qui a co-écrit l’étude publiée début juillet 2024 et dirigé les analyses. La chercheuse ajoute que les quantités de plomb mesurées, 120 nanogrammes par gramme, sont « alarmantes ». Elle déplore par ailleurs le fait que « la concentration moyenne de plomb dans les tampons était environ dix fois supérieure aux niveaux maximums actuellement autorisés dans l’eau potable ». Par ailleurs, tous les tampons étudiés en contenaient, ce qui est inquiétant puisqu’il « n’existe pas de niveau d’exposition au plomb sans danger et il a été démontré que ce produit provoque des problèmes de santé reproductive chez les femmes. »
Des effets sur le corps toujours discutés

Certes, l’étude ne détermine pas si ces métaux lourds représentent un danger direct et n’en mesure pas l’impact. « Il est évident que la prochaine étape consistera à mener des recherches qui montreront si les métaux s’infiltrent dans l’organisme à partir du tampon », promet d’ailleurs à ce titre Kathrin Schilling. Toutefois, si Jenni A. Shearston, l’autrice principale de l’étude, affirme que « nous ne savons pas encore si le plomb peut s’échapper du tampon, ni s’il peut être absorbé par le corps, ni en quelle quantité », elle rappelle en tout cas que « la peau du vagin a un potentiel d’absorption chimique plus élevé que les autres parties du corps ». Cette perméabilité du tissu vaginal laisse ainsi planer un risque réel de passage de la muqueuse vaginale à la circulation sanguine, d’autant plus avec des produits utilisés à l’intérieur du corps comme les tampons.
Et si certaines informations manquent encore au sujet du risque sanitaire que représentent effectivement ces métaux dans les produits hygiéniques, ils sont déjà connus par les autorités sanitaires pour favoriser les problèmes liés à la fertilité, perturber le système endocrinien et neurologique, mais aussi provoquer ou aggraver des maladies psychiques. Ces substances peuvent en outre accentuer le risque de cancer et de diabète, en endommageant le foie, les reins, mais aussi le système cardiovasculaire.
À l’heure actuelle, les autorités américaines n’ont toutefois pas appelé à en arrêter l’utilisation et rappellent simplement de ne pas excéder le temps de port conseillé par le fabricant pour limiter le danger lié au choc toxique, une affection grave potentiellement mortelle.
Comment expliquer la présence de métaux dans les produits d’hygiène ?

Pour des ingrédients comme les blanchissants, les antimicrobiens ou les parfums chimiques, l’ajout est évidemment intentionnel. Néanmoins, cela ne peut pas expliquer la présence de métaux dans ces produits hygiéniques. Certaines hypothèses sont toutefois avancées. En effet, le tampon se fabrique avec du coton ou de la pulpe de bois. Or, l’arsenic est présent naturellement dans l’eau, le sol et même l’air. Quant au plomb et autres métaux lourds identifiés par ces recherches, on les retrouve dans la croûte terrestre. Au moment de leur croissance, les plantes peuvent donc y être exposées et les absorber à mesure qu’elles se développent.
« Nos résultats soulignent la nécessité d’une réglementation exigeant des fabricants qu’ils testent les métaux présents dans les tampons », insistent donc les chercheurs qui rappellent que 52 % à 84 % de personnes menstruées utilisent des tampons aux États-Unis et 20 % en Europe, ce qui constitue des millions de personnes exposées à ces substances et aux risques potentiels associés.
Rappelons à ce titre que depuis le 1er avril 2024 en France, un décret poussé par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) intime les fabricants de renseigner obligatoirement « la liste des composants […] et, pour chacun d’eux, le détail des substances et matériaux incorporés ; la mention des modalités et précautions d’utilisation ; les possibles effets indésirables (irritations, intolérances, allergies, microtraumatismes) ou plus graves tels que le syndrome de choc toxique menstruel », une mesure qui pourrait apporter un peu de clarté aux personnes qui achètent ces produits.
Retrouvez l’étude sur ce lien et le communiqué de presse de l’Université de Californie à Berkeley ici.
