conan bactérie Mars
Deinococcus radiodurans (affectueusement surnommé « Conan la bactérie ») est particulièrement bien adapté pour survivre à l'environnement hostile de Mars. Dans des expériences, il a survécu à des quantités astronomiques de radiations dans un environnement glacial et aride. Crédits : Michael J. Daly/USU

Menace invisible, des dizaines de scientifiques alertent sur les « formes de vie miroir »

Alors que l’humanité s’adapte à des défis majeurs tels que les pandémies, les crises climatiques et les progrès rapides de l’intelligence artificielle, une nouvelle menace pourrait surgir d’un domaine encore peu exploré : celui des « formes de vie miroir ». Un collectif de 40 scientifiques de renommée internationale alerte sur les risques posés par ces créations biologiques synthétiques.

Qu’est-ce qu’une bactérie miroir ?

Les bactéries miroir reposent sur un concept fascinant mais potentiellement dangereux. Les molécules naturelles présentes dans tous les êtres vivants possèdent une configuration asymétrique, appelée chiralité. Cette asymétrie est semblable à la différence entre une main gauche et une main droite : elles sont semblables mais non superposables.

Les chercheurs en biologie synthétique ont démontré qu’il était possible de fabriquer des « molécules miroir ». Ces versions inversées ne peuvent pas interagir avec les systèmes biologiques naturels. En théorie, cela ouvre des perspectives prometteuses, notamment dans le développement de médicaments plus stables ou de nouvelles applications industrielles.

Cependant, la création d’organismes entiers constitués de ces molécules, tels que des bactéries miroir, suscite de vives inquiétudes.

bactéries antibiotiques
Crédits : Dr_Microbe/istock

Un risque pour les systèmes biologiques existants

Les bactéries miroir pourraient échapper à tous les mécanismes naturels de contrôle. Nos systèmes immunitaires, conçus pour reconnaître et combattre des agents pathogènes traditionnels, seraient incapables de les identifier et de les éliminer.

« Le monde du vivant actuel ne possède aucun outil pour neutraliser ces formes de vie étrangères », explique Oleg Melnyk, chercheur au CNRS. « Une bactérie miroir introduite dans l’environnement pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour les êtres vivants », ajoute-t-il.

Pourquoi créer ces formes de vie ?

Malgré les dangers, certains chercheurs envisagent des applications prometteuses :

  • Santé : Des protéines miroir pourraient permettre de concevoir des traitements médicamenteux résistants à la dégradation naturelle.
  • Parfumerie : Les molécules miroir, ayant des propriétés olfactives uniques, pourraient révolutionner l’industrie des arômes.
  • Recherche fondamentale : Comprendre pourquoi la vie sur Terre a choisi une certaine chiralité plutôt qu’une autre pourrait éclairer les mystères de l’évolution.

Malheureusement, ces avantages ne semblent pas justifier les risques colossaux liés à la prolifération d’organismes synthétiques incontrôlables.

Une sonnette d’alarme précoce

Selon Gregory Winter, prix Nobel de chimie en 2018, le développement d’une bactérie miroir fonctionnelle pourrait être une réalité d’ici une décennie. Bien que cette échéance paraisse ambitieuse, les progrès rapides de la biotechnologie rendent cette hypothèse plausible.

« Nous devons débattre des enjeux éthiques et des risques avant que ces organismes ne deviennent une réalité », précise Yasmine Belkaid, immunologiste et directrice de l’Institut Pasteur.

Les solutions pour prévenir les risques

Face à ce danger potentiel, plusieurs mesures sont proposées :

  • Réglementations strictes : Imposer des restrictions internationales sur la création de formes de vie miroir.
  • Transparence scientifique : Encourager les chercheurs à partager leurs travaux pour mieux identifier les risques.
  • Sensibilisation du public : Informer les citoyens des enjeux liés à ces nouvelles technologies.

Conclusion : un futur à surveiller de près

La création de bactéries miroir illustre les dilemmes complexes posés par les progrès scientifiques. Alors que certaines applications pourraient bénéficier à la société, les risques pour l’écosystème global restent immenses. Il est crucial que les décideurs politiques, les scientifiques et la société civile travaillent ensemble pour anticiper les conséquences et éviter tout écueil irréparable.

Rédigé par Alexis Breton