Une nouvelle étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Copenhague démontre que les méduses-boîtes des Caraïbes peuvent apprendre à un niveau beaucoup plus complexe qu’on ne l’aurait jamais imaginé, et ce, même si elles n’ont aucun cerveau centralisé.
24 yeux et quelques cellules nerveuses
Les méduses-boîte, aussi connues sous le nom de méduses Carybdea, se distinguent des méduses classiques par leur système visuel complexe composé de vingt-quatre yeux. Ces derniers leur permettent de mieux détecter la lumière et les mouvements, ce qui est essentiel pour leur survie.
Par ailleurs, comme toutes les autres méduses, ces créatures n’ont pas de cerveau centralisé comme les animaux plus complexes. Au lieu de cela, elles développent un réseau distribué de neurones répartis dans tout leur corps. Ce réseau nerveux leur permet de coordonner diverses fonctions physiologiques, telles que la nage, la capture de proies et la réponse aux stimuli environnementaux.
Jusqu’à présent, nous pensions que ce réseau neuronal était assez primitif. En réalité, il est plus sophistiqué qu’on ne le pensait. Une étude récente publiée dans la revue Current Biology montre en effet que les méduses-boîtes sont capables d’apprendre de leurs expériences.
La découverte est importante. En effet, étant donné que ces créatures se sont éloignées de notre partie du règne animal il y a longtemps, comprendre leurs capacités cognitives pourrait aider les chercheurs à retracer l’évolution de l’apprentissage.
Éviter les racines
Dans le cadre de ces travaux dirigés par Anders Garm, biologiste à l’Université de Copenhague, les chercheurs se sont concentrés sur l’espèce Tripedalia cystophora qui fréquente les forêts de mangroves des Caraïbes.
Dans un premier temps, il a fallu isoler un comportement quotidien que les créatures pourraient exécuter en laboratoire après quelques entraînements. L’équipe a finalement jeté son dévolu sur la manœuvre de volte-face effectuée par les méduses-boîtes lorsqu’elles sont sur le point de heurter une racine de mangrove.
D’après les chercheurs, ces racines s’élèvent dans l’eau comme de grandes tours noires, tandis que l’eau qui les entoure paraît pâle en comparaison. Cependant, le contraste entre les deux peut changer de jour en jour à cause du limon qui a tendance à obscurcir l’eau. Dans ces conditions, comment les méduses comprennent-elles qu’elles se rapprochent un peu trop des racines ? L’hypothèse des chercheurs était qu’elles devaient apprendre par l’expérience.
Une incroyable capacité d’apprentissage
En laboratoire, l’équipe a produit des images de bandes sombres et claires alternées représentant les racines de la mangrove et l’eau. Ces images ont ensuite été utilisées pour tapisser l’intérieur de petites cuves au sein desquelles évoluaient les méduses. Lorsque les rayures étaient d’un noir et blanc éclatant, représentant une clarté d’eau optimale, les créatures ne s’approchaient jamais des parois du seau. Cependant, avec moins de contraste entre les rayures, elles ont immédiatement commencé à s’y heurter.
Finalement, après quelques collisions, et comme l’avaient imaginé les chercheurs, les méduses ont commencé à changer de comportement. Moins de huit minutes plus tard, ces dernières avaient en effet tendance à rester à bonne distance des parois (50% plus loin en moyenne). Elle auraient également quadruplé le nombre de manœuvres de volte-face.
Pour confirmer leur hypothèse, les chercheurs ont prélevé des neurones visuels sur plusieurs spécimens pour les analyser en détail dans une boîte de Pétri. Ces cellules ont été exposées à des images rayées tout en recevant une petite impulsion électrique pour représenter une collision. En cinq minutes environ, elles auraient alors commencé à envoyer le signal censé permettre aux méduses de faire demi-tour.
« C’est incroyable de voir à quelle vitesse elles apprennent« , a déclaré Jan Bielecki, de l’Institut de physiologie de l’Université de Kiel, en Allemagne, et co-auteur des travaux.
À l’avenir, il serait intéressant de déterminer combien de temps ces méduses se souviennent de ce qu’elles ont appris. Les chercheurs espèrent aussi identifier quelles cellules spécifiques contrôlent la capacité de ces créatures à apprendre par l’expérience. Ils se demandent également si la capacité d’apprendre est universelle parmi les cellules nerveuses, qu’elles fassent ou non partie du cerveau. Cela pourrait expliquer leur persistance particulière dans l’arbre de vie.