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Des médecins rapportent un cas exceptionnel de momification précoce naturelle

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Examen externe du cadavre – peau du visage momifiée. Crédits : Ivan Tsranchev and al/Cureus 2023

Des changements spécifiques se produisent dans le corps humain très rapidement après la mort, conduisant généralement à la dissolution totale des tissus. Cependant, il arrive que dans des conditions bien spécifiques ces tissus se retrouvent momifiés, et donc préservés. En général, ce processus prend plusieurs mois. Toutefois, en Bulgarie, une équipe de médecins est tombée récemment sur l’étrange cas d’un homme retrouvé en phase de momification complète seize jours seulement après avoir été vu vivant pour la dernière fois. Comment expliquer ce phénomène ?

Un cas exceptionnel

Le corps de cet homme a été retrouvé le 3 septembre dernier dans les pelouses bordant une voie ferrée à Sofia, en Bulgarie. À côté du corps se trouvait son sac rempli d’effets personnels dont une bouteille d’alcool. Le corps était celui d’un homme de 34 ans vu vivant pour la dernière fois le 18 août avec les mêmes vêtements présents encore autour de son corps.

L’autopsie du corps du défunt à la Clinique de médecine légale et de déontologie de Sofia n’a révélé aucune blessure traumatique. L’analyse toxicologique s’est aussi révélée négative. Pour l’heure, la cause du décès est encore inconnue.

Par ailleurs, le fait le plus intéressant était que le corps de cet homme semblait complètement momifié. La surface de sa peau présentait en effet une coloration allant du brun clair au brun foncé. Elle était également dure, tandis que de petites masses s’étaient formées à partir des organes internes. Comment expliquer l’étonnante rapidité de ce processus naturel, notamment dans des conditions aussi tempérées ?

Ce qu’il advient de votre corps après la mort

Le processus de décomposition est complexe. Il implique de nombreuses phases, mais nous pourrions le résumer ainsi. Tout commence par l’autolyse, où les composés intracellulaires sont libérés, favorisant la croissance bactérienne. La putréfaction se déroule en trois phases : formation de gaz, ramollissement des tissus suivi d’imprégnation et de décomposition. Des bactéries comme Clostridium welchii, les streptocoques, Escherichia coli et Proteus produisent des enzymes destructrices qui agissent sur les tissus, libérant des gaz tels que H2S, NH3, CO2, CH4. Ces gaz peuvent décolorer la peau en vert et produire une odeur spécifique qui attire les insectes et les animaux, contribuant à la décomposition des tissus organiques en éléments plus simples.

Cela étant dit, ce processus de décomposition peut s’accélérer ou s’arrêter en fonction des conditions environnantes. Parfois, ces conditions peuvent même favoriser la préservation du corps. La momification est l’une des formes les plus courantes de changements conservateurs.

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Examen interne de la cavité thoracique et abdominale – les organes internes se présentent sous la forme de masses et de membranes sans structure brunâtre foncé à noirâtre. Crédits : Ivan Tsranchev and al/Cureus 2023

Des conditions a priori pas réunies

Le processus de momification d’un corps humain dépend de plusieurs facteurs, notamment l’air sec, la ventilation, le rayonnement solaire et la température élevée. En fonction de ces conditions, la momification peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour être complète.

Or, au cours des seize jours qui séparent la dernière fois que cet homme a été aperçu et la découverte de son cadavre, la température locale n’aurait varié que de 16°C à 33°C, avec une humidité relative pour le mois d’août de 52%. Le rayonnement solaire était moyen, tandis que le vent n’aurait soufflé qu’à 13 km/h en moyenne.

Selon les légistes, ces valeurs mesurées pourraient éventuellement favoriser une quasi-momification. Ils supposent toutefois que le mouvement régulier des trains passant sur la voie ferrée pourrait avoir provoqué une condition venteuse supplémentaire, ce qui aurait pu aider à accélérer le processus.

Quoi qu’il en soit, les médecins rappellent qu’il n’existe que quelques cas de ce genre rapportés dans la littérature. Il s’agit donc d’un événement extrêmement rare, surtout lorsque les conditions typiques de ce processus ne sont pas réunies.

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Peau momifiée de la région pelvienne avec des lésions arrondies dues aux asticots. Crédits : Ivan Tsranchev and al/Cureus 2023

Cet homme était-il vraiment mort deux semaines auparavant ?

Au regard du caractère exceptionnel de ce cas, nous pourrions peut-être nous interroger sur les témoignages oculaires affirmant que cet homme était bien vivant le 18 août. Cependant, plusieurs indices relevés par les légistes ont également permis de le confirmer.

Comme mentionné précédemment, différents types d’insectes sont attirés par les cadavres, dont les mouches. Ces dernières ont un cycle de vie complet comprenant plusieurs stades (œuf, larve, pupe et adulte). Ce cycle peut donc donner une idée du temps approximatif qui s’est écoulé depuis la mort puisque chacune de ses étapes correspond à un intervalle de temps spécifique.

Cela étant dit, de nombreux facteurs, dont l’environnement, peuvent stopper, accélérer ou ralentir ce cycle de vie des insectes. Dans le cas étudié, les conditions atmosphériques et géographiques de la région de Sofia impliquent un cycle de vie complet des mouches variant de 14 à 18 jours selon les espèces. Nous savons aussi que la formation du stade nymphal commence environ sept à dix jours après la ponte des œufs.

Or, le corps n’était ici recouvert que de quelques larves et pupes de différentes tailles en cours de métamorphose, ce qui montre bien que le décès est probablement survenu moins de 18 jours avant la découverte du corps. Ces données correspondent donc avec l’information donnée selon laquelle le défunt a été vu vivant pour la dernière fois environ seize jours plus tôt, soit le 18 août.

L’étude est publiée dans la revue Cureus.