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Crédits : NiseriN/istock

Des médecins identifient un autre problème lié aux missions spatiales

À mesure que l’exploration spatiale progresse, les missions prolongées deviennent un objectif réaliste pour les agences spatiales internationales. Cependant, avec des missions de plus en plus longues, comme celles envisagées pour Mars, les scientifiques doivent comprendre et anticiper les effets sur la santé des astronautes. Une découverte met en lumière un problème inattendu : les changements oculaires et visuels des astronautes après de longues périodes passées dans l’espace.

Les défis des missions spatiales de longue durée

Les missions spatiales prolongées, telles que celles effectuées à bord de la Station spatiale internationale (ISS), exposent les astronautes à des conditions bien différentes de celles qu’ils connaissent sur Terre. L’absence de gravité (ou microgravité) a des effets variés et souvent profonds sur le corps humain. L’un des impacts les plus connus est la perte de masse musculaire. En l’absence de la gravité terrestre qui sollicite constamment les muscles pour soutenir le corps, ces derniers se dégradent rapidement. Cette fonte musculaire peut entraîner une perte de force et de mobilité, ce qui pose des risques importants au retour des astronautes sur Terre.

En plus de l’affaiblissement musculaire, les astronautes subissent également une réduction de la densité osseuse. La microgravité perturbe le métabolisme osseux, ce qui réduit la capacité des os à se régénérer et les rendant plus fragiles. Ce phénomène, souvent comparé à l’ostéoporose, rend les os plus susceptibles aux fractures, même après une exposition relativement courte dans l’espace.

Les troubles cardiovasculaires représentent un autre défi majeur pour les astronautes. En microgravité, le cœur n’a pas à lutter contre la gravité pour pomper le sang vers le bas du corps, ce qui peut entraîner une atrophie du muscle cardiaque. En conséquence, le cœur devient moins efficace à l’effort, ce qui augmente le risque de complications cardiaques lorsque les astronautes retournent dans un environnement où la gravité est à nouveau présente. Cependant, un autre aspect préoccupant commence à émerger : l’impact de la microgravité sur la vision des astronautes.

Le syndrome neuro-oculaire associé aux vols spatiaux (SANS)

Le syndrome neuro-oculaire associé aux vols spatiaux (SANS) est un trouble qui affecte la vision des astronautes après une période prolongée passée en microgravité. Ce phénomène est de plus en plus étudié, notamment pour ses implications sur les missions spatiales longues, comme celles vers Mars, où les astronautes seraient exposés à de nombreuses années de voyage dans l’espace.

Pour mieux comprendre les mécanismes derrière ce phénomène, une équipe de chercheurs dirigée par l’ophtalmologue Santiago Costantino, de l’Université de Montréal, a analysé les données de la NASA concernant treize astronautes ayant passé entre 157 et 186 jours à bord de l’ISS. Ces astronautes, âgés en moyenne de 48 ans et issus de différentes agences spatiales (américaine, européenne, japonaise et canadienne) ont subi des tests oculaires avant et après leur mission. Les chercheurs se sont concentrés sur trois paramètres clés : la rigidité oculaire, la pression intraoculaire et l’amplitude du pouls oculaire.

Des résultats préoccupants

Les résultats de l’étude ont révélé des changements notables dans la physiologie des yeux des astronautes. La rigidité oculaire a diminué de 33 %, ce qui indique que les tissus oculaires sont devenus plus souples. La pression intraoculaire a également baissé de 11 %, tandis que l’amplitude du pouls oculaire a été réduite de 25 %. Ces changements sont directement liés à l’impact de la microgravité sur la circulation sanguine et la distribution du fluide corporel, qui affecte la structure et le fonctionnement de l’œil.

Ces modifications des paramètres biomécaniques oculaires se sont accompagnées de symptômes visuels, tels qu’une réduction de la taille des yeux et des anomalies du champ visuel, notamment une altération de la focalisation et, dans certains cas, des lésions sur la rétine et le nerf optique.

Les causes des changements oculaires

La microgravité affecte la circulation sanguine en dirigeant davantage de sang vers la tête et en ralentissant la circulation veineuse dans les yeux. Cette redistribution du flux sanguin augmente la pression dans la région de l’œil, ce qui peut provoquer une expansion de la choroïde (la couche vasculaire nourrissant la rétine). L’expansion de cette couche pourrait étirer la sclère, la partie blanche de l’œil, modifiant ainsi ses propriétés mécaniques.

Une autre explication des changements observés réside dans un phénomène appelé l’effet coup de bélier. Les pulsations sanguines dans un environnement de microgravité peuvent entraîner des variations rapides de la pression sanguine, exerçant un choc mécanique sur l’œil et provoquant un remodelage tissulaire.

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La Station spatiale internationale en orbite autour de la Terre. Crédits : NASA

Les conséquences à court et long terme de ces missions

Les résultats de l’étude ont révélé que bien que ces changements oculaires soient préoccupants, ils ne présentent pas de danger immédiat. En effet, la plupart des astronautes retrouvent une vision normale après leur retour sur Terre et dans de nombreux cas, des lunettes correctrices suffisent à résoudre les symptômes. Cependant, la situation devient plus complexe pour les missions spatiales futures, comme celles vers Mars, qui pourraient durer plusieurs années.

Il est encore trop tôt pour évaluer les effets d’une exposition prolongée à la microgravité sur la santé oculaire. Les astronautes ayant séjourné à bord de l’ISS ont passé entre six et douze mois dans l’espace, mais les missions futures pourraient durer beaucoup plus longtemps. Les chercheurs soulignent qu’il est donc essentiel de comprendre les effets à long terme de la microgravité sur les yeux afin d’assurer la sécurité des astronautes lors de missions prolongées.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.