Une étude dirigée par l’Université de Gand (Belgique) dans le cadre du programme scientifique européen DRY-2-DRY a pour la première fois démontré la propension des sécheresses à s’auto-propager et, de fait, à augmenter la surface soumise au déficit hydrique. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Climate Change.
Récemment qualifiées de « prochaine pandémie » par les Nations Unies, les sécheresses sont et seront une menace croissante sur une planète qui se réchauffe de façon globale et rapide, en particulier dans un contexte de raréfaction des ressources naturelles et donc des moyens pour y faire face.
Outre la réduction des émissions de gaz à effet de serre, un des moyens de se prémunir des conséquences les plus délétères consiste à anticiper où et quand surviendront les sécheresses météorologiques et agricoles. Ainsi, en vue d’articuler une réponse socio-économique adaptée, il est nécessaire de bien comprendre les mécanismes qui en sont à l’origine.
L’auto-propagation des sécheresses démontrée pour la première fois
Une équipe de chercheurs a montré que les sécheresses ont tendance à s’étendre d’elles-mêmes dans le temps et dans l’espace, autrement dit à s’auto-propager. Si l’hypothèse d’un tel mécanisme n’est pas nouvelle en soi, c’est la première fois qu’elle est explicitement démontrée sur la base des quarante plus grandes sécheresses récemment survenues dans le monde.
Les scientifiques ont trouvé que ce type de fonctionnement prévaut tout particulièrement dans les régions semi-arides, là où l’humidité des sols interagit très étroitement avec l’atmosphère. En effet, l’air qui survole les terres battues par la sécheresse ne se recharge pas en humidité et transmet le déficit hydrique aux zones initialement épargnées situées en aval. De proche en proche, la surface des terres soumises à la sécheresse gagne ainsi en étendue.
« En substance, les sécheresses se comportent de la même manière que les feux de forêt », résume Dominik Schumacher, auteur principal de l’étude. « Alors que les incendies se propagent sous le vent en enflammant de plus en plus de carburant [d’arbres, NDLR] dans leur environnement, les sécheresses le font en réduisant l’approvisionnement en précipitations par l’assèchement de la surface terrestre ».
Les latitudes tempérées ne sont pas épargnées
Dans leur étude, les chercheurs expliquent comment en suivant le déplacement des masses d’air au-dessus des terres à l’aide d’un modèle numérique, ils ont pu quantifier la part du déficit hydrique exporté en aval par l’assèchement des sols. Jusqu’à un tiers du manque d’eau mensuel observé sous le vent est attribué à ce mécanisme d’auto-propagation, l’air n’ayant pas pu être suffisamment rechargé en humidité par l’évaporation de surface.
L’Australie, l’Afrique subsaharienne, l’Asie ou encore le pourtour méditerranéen sont les régions les plus exposées au phénomène. Et pour cause, c’est dans ces climats subtropicaux semi-arides où vivent plus d’un milliard de personnes que l’influence de l’humidité des sols sur les précipitations est la plus marquée. Toutefois, le mécanisme opère également aux moyennes latitudes, en particulier lors des épisodes les plus intenses qui deviendront plus fréquents avec le réchauffement global.