Cet énorme marsupial était « différent de tout ce qui vit aujourd’hui »

Ambulator keanei marsupial
Un schéma montrant à quoi pouvait ressembler la nouvelle espèce Ambulator keanei. Crédits : van Zoelen et al. 2023/Université Flinders

Une équipe de paléontologues décrit l’analyse des restes d’un ancien marsupial d’un quart de tonne qui parcourait les terres australiennes il y a environ 3,5 millions d’années. Ces nouveaux fossiles aident à faire la lumière sur les mystères entourant d’autres marsupiaux éteints encore plus grands. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Royal Society Open Science.

Les Diprotodontidés forment une famille de marsupiaux originaires d’Australie, de Nouvelle-Guinée et des îles voisines. Les membres les plus connus sont les kangourous et les wallabies. Certains de ces animaux se caractérisent par leur adaptation à la locomotion sautée, avec de puissantes pattes arrière et une queue forte utilisée pour l’équilibre. D’autres, comme les wombats, sont plutôt adaptés à une locomotion à quatre pattes.

Nous savons que plusieurs membres de cette famille de mammifères étaient jadis beaucoup plus imposants. Diprotodon optatum, qui aurait vécu en Australie il y a entre 1,6 million d’années et 40 000 ans, pouvait en effet mesurer jusqu’à trois mètres de longueur et peser jusqu’à trois tonnes selon certaines estimations.

Néanmoins, la plupart de nos connaissances sur les anciens Diprotodontidés proviennent de fossiles de mâchoires et de dents, ce qui signifie que nous manquons d’informations précises à leur sujet. Ces animaux sont aussi très éloignés des autres marsupiaux. Il est donc difficile de déduire quoi que ce soit à partir d’espèces vivantes. C’est pourquoi cette nouvelle étude est importante.

« Il n’y a rien de tel aujourd’hui« 

Il y a environ six ans, des paléontologues ont déterré les restes plus complets de l’un de ces marsupiaux sur une falaise érodée d’Australie-Méridionale. Ils ont ensuite utilisé des numérisations informatiques 3D de ces os pour créer un modèle de ce à quoi ce marsupial aurait pu ressembler.

L’analyse de ces fossiles vieux de 3,5 millions d’années a révélé plusieurs points intéressants. Tout d’abord, l’espèce nouvellement décrite, baptisée Ambulator keanei, avait un plan corporel similaire à celui d’un ours ou d’un rhinocéros. Ces animaux pesaient probablement environ 250 kg et mesuraient environ un mètre à l’épaule. Le modèle suggère surtout que ce marsupial a peut-être marché différemment des animaux de taille similaire vivants aujourd’hui.

« La plupart des grands herbivores d’aujourd’hui, tels que les éléphants et les rhinocéros, sont digitigrades. Cela signifie qu’ils marchent sur la pointe des pieds sans que leur talon ne touche le sol« , rappelle Jacob van Zoelen, de l’Université Flinders, principal auteur de ces travaux. « Les diprotodontidés sont ce que nous appelons plantigrades, ce qui signifie que leur talon [calcaneus] entre en contact avec le sol lorsqu’ils marchent, comme le font les humains« . À la différence des humains, il semblerait que les « doigts » de ce marsupial n’entraient cependant pas en contact avec le sol en marchant. « Il n’y a rien de tel aujourd’hui« , poursuit le chercheur.

Cela pourrait aider à expliquer un mystère de longue date. En effet, les scientifiques ont déjà trouvé des empreintes de pas fossilisées appartenant à D. optatum, le plus grand marsupial connu décrit ci-dessus. Cependant, aucune d’entre elles n’a de traces de doigts. Cette nouvelle découverte suggère que c’est parce que leurs orteils n’ont en réalité jamais touché le sol.

Ambulator keanei marsupial
Une paire d’empreintes fossilisées laissées par D. optatum. Remarquez l’absence de traces de doigts visibles dans le tirage. Crédits : AB Camens/Université Flinders

Un avantage dans un environnement en évolution rapide

Le fait qu’ils aient été plantigrades signifie également qu’ils conservaient de l’énergie en répartissant uniformément leur poids lors de la marche. Ces foulées efficaces ont peut-être permis à l’espèce nouvellement décrite de parcourir de très longues distances, ce qui aurait été un énorme avantage. À l’époque, les forêts et les prairies luxuriantes d’Australie se transformaient en effet en déserts chauds et arides, forçant les animaux herbivores à voyager plus loin entre sources d’eau et de nourriture.

Enfin, la découverte d’A. keanei pourrait également aider à expliquer comment D. opatum est devenu si grand. La répartition uniforme du poids du nouveau marsupial pourrait également s’être produite chez cette espèce, ce qui aurait pu être un facteur clé dans sa croissance.