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Crédits : buradaki/istock

Mars cache-t-elle un océan ? Des données relancent l’espoir d’eau liquide… et de vie

Depuis des décennies, Mars alimente notre fascination collective. Avec ses paysages désertiques, sa poussière rouge iconique et surtout les indices laissés par une eau ancienne, la planète rouge reste l’une des meilleures candidates pour accueillir — ou avoir accueilli — une forme de vie extraterrestre. Mais une question majeure intrigue toujours les scientifiques : où est passée toute l’eau qui a un jour façonné la surface martienne ? Une nouvelle étude, parue fin avril dans la revue National Science Review, avance une hypothèse aussi étonnante que prometteuse : une vaste étendue d’eau liquide pourrait encore exister, enfouie plusieurs kilomètres sous la surface.

Une planète rouge, autrefois bleue

Il y a entre 3 et 4 milliards d’années, Mars aurait été une planète radicalement différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Plusieurs indices géologiques pointent vers un passé humide : des lits de rivières asséchées, des deltas fossilisés, des minéraux hydratés, ou encore des roches stratifiées qui ne peuvent se former qu’en présence d’eau.

À cette époque, l’eau aurait circulé en abondance à la surface, créant des conditions favorables au développement de la vie telle que nous la connaissons. Mars possédait alors une atmosphère plus épaisse, capable de maintenir une pression suffisante pour stabiliser l’eau liquide, ainsi qu’un champ magnétique protégeant sa surface des rayonnements solaires.

Mais cette époque prospère n’a pas duré. Progressivement, Mars a perdu son champ magnétique. L’atmosphère s’est alors raréfiée, le rayonnement solaire a commencé à « grignoter » les gaz restants, et la température a chuté. L’eau en surface s’est évaporée ou s’est retrouvée piégée sous forme de glace dans les calottes polaires ou dans les roches. Pourtant, selon les modèles hydrologiques de la planète, une grande quantité d’eau reste introuvable : il manque quelque chose dans l’équation.

Un signal venu des profondeurs

C’est cette énigme que les chercheurs ont tenté d’éclaircir à l’aide des données de la mission InSight de la NASA. Depuis 2018, l’atterrisseur scrute les soubresauts de la planète à l’aide de son sismomètre ultra-sensible. En analysant les ondes sismiques générées par des impacts d’astéroïdes et des « marsquakes » enregistrés en 2021 et 2022, des chercheurs australiens et chinois ont repéré un phénomène intriguant.

Entre 5,4 et 8 kilomètres de profondeur, les ondes ralentissent de manière significative. Un ralentissement de ce type est bien connu sur Terre : il indique souvent le passage à travers un matériau plus souple, voire partiellement liquide. Les auteurs de l’étude en concluent qu’il pourrait s’agir d’une couche de roche hautement poreuse imbibée d’eau liquide. Une sorte d’aquifère martien, équivalent à ceux présents sur notre planète.

Un réservoir à la taille d’un océan

L’analyse va encore plus loin. En extrapolant ces résultats à l’échelle de la planète, les chercheurs estiment que le volume total d’eau cachée dans ces couches souterraines pourrait recouvrir toute la surface de Mars sous une épaisseur de 500 à 800 mètres.

Ce chiffre est vertigineux : il équivaut à peu près au volume d’eau contenu dans la calotte glaciaire de l’Antarctique. Autrement dit, Mars pourrait encore héberger une quantité d’eau colossale, dissimulée sous sa croûte, et jusqu’ici ignorée des modèles climatiques.

Cette hypothèse, si elle est confirmée, pourrait résoudre l’un des plus grands mystères planétaires : pourquoi une planète qui a manifestement été baignée d’eau liquide dans son passé ne montre-t-elle plus qu’une fraction de cette eau à sa surface ?

Mars eau liquide
La NASA a découvert des preuves d’une fuite d’eau martienne dans l’espace, mais de nouvelles recherches suggèrent qu’elle pourrait également avoir pénétré profondément sous terre. Crédit image : NASA Goddard

De l’eau… et peut-être de la vie ?

Outre l’aspect géologique, cette découverte relance l’intérêt pour la question de la vie martienne. Car là où il y a de l’eau liquide stable, il y a potentiellement de la vie, même sous forme microbienne. Dans les profondeurs, loin du rayonnement intense de la surface et protégée par des roches, cette eau pourrait offrir un habitat relativement stable depuis des milliards d’années.

Les scientifiques rappellent toutefois que ces conclusions restent pour l’instant indirectes. Il ne s’agit que d’interprétations sismiques : aucun instrument n’a encore permis de confirmer la présence effective d’eau à cette profondeur. D’autres études avaient déjà évoqué la possibilité d’eau stockée bien plus profondément, entre 11 et 21 kilomètres sous la surface, mais jamais avec autant de cohérence dans les données.

La prochaine grande étape : forer

Confirmer cette hypothèse nécessitera des missions ambitieuses. Les chercheurs appellent à développer de nouveaux sismomètres et, surtout, des foreuses capables d’atteindre ces couches profondes. Le défi est immense, car forer à plusieurs kilomètres sous la surface martienne représente une prouesse technologique que nous ne maîtrisons pas encore totalement.
Mais les enjeux sont immenses. Si cette eau existe vraiment, elle pourrait contenir des indices précieux sur le passé climatique de Mars, son habitabilité… voire sur l’existence d’une vie martienne encore active aujourd’hui.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.