Marco Polo (1254-1324) et le Livre des merveilles

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Parti en Chine alors qu’il n’était qu’un adolescent, ce marchand vénitien est célèbre pour avoir apporté la connaissance de l’Extrême-Orient en Europe. Ses récits ont été immortalisés dans le Livre des Merveilles, un ouvrage ayant notamment influencé les grands explorateurs.

Un départ précoce

Né à Venise en 1254, Marco Polo est un marchand, tout comme son père Niccolò et son oncle Matteo. À cette époque, la République de Venise est une grande puissance commerciale en Europe. Ainsi, ses riches marchands en profitèrent pour commercer avec les musulmans dominant la route de la Soie. En revanche, certains d’entre eux comme les Polo désiraient franchir cette barrière et prendre contact directement avec les puissances asiatiques.

Niccolò et Matteo Polo partent en 1260 s’occuper de leurs comptoirs à Constantinople et en ouvrent un en Crimée, au bord de la mer Noire. Ils entreprennent ensuite un voyage en Asie centrale et rencontrent le petit-fils de Gengis Khan, à savoir Kubilai Khan, premier empereur mongol de la dynastie Yuan (1279-1368) en Chine. Celui-ci leur promet le monopole de toutes les transactions commerciales entre la Chine et la Chrétienté, en l’échange de l’envoi de savants et d’artistes capables de lui décrire le monde chrétien.

Marco Polo est âgé de 15 ans quand son père et son oncle reviennent à Venise en 1269. Ils sont porteurs d’un message de sympathie et les chrétiens voient en la Chine un possible allié contre l’Islam. Deux ans plus tard, Marco Polo accompagne Niccolò et Matteo pour un très long voyage. Celui-ci durera 24 ans et sera décrit plus tard dans le Livre des merveilles (1298), également baptisé Devisement du monde.

Le voyage de Marco Polo

Le trajet aller-retour de ce voyage a été très difficile à établir et est encore sujet à débat. En réalité, l’ouvrage des récits de Marco Polo ne représente pas une feuille de route décrivant le parcours de l’explorateur. En effet, il s’agit plutôt d’une somme de descriptions de ce que l’intéressé a vu et fait après son entrée au service de l’empereur Kubilai Khan.

À l’aller, Marco Polo serait passé par Saint-Jean-d’Acre (actuel Israël), Bagdad, Ormuz (Perse), Balkh (actuel Afghanistan) avant d’arriver en Chine – par le Xinjiang – afin de rejoindre Pékin. Le retour à Venise en 1295 se fera au départ de Hangzhou par la mer jusqu’à Ormuz, puis par la terre.

Trajets du voyage de Marco Polo
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L’empereur au centre des récits

À son retour, Marco Polo participe à une guerre opposant Venise et Gènes, autre grande puissance commerciale européenne. Il est fait prisonnier et son compagnon de cellule n’est autre que Rustichello de Pise, un écrivain italien de langue française. Ce dernier sera le premier éditeur du livre de Marco Polo. Le Livre des merveilles sera également le premier récit de voyage rédigé en français. En revanche, le texte aurait subi de nombreuses manipulations, notamment au XVIe siècle durant lequel le manuscrit original est perdu.

Le fait est que cet ouvrage est centré sur Kubilai Khan et son empire. Marco Polo évoque la Russie, l’Asie centrale, l’Iran, l’Afghanistan ou encore le Vietnam, la Birmanie, le Cambodge, l’île de Sumatra (Indonésie), le Sri Lanka, l’Inde du sud et même Madagascar. En réalité, ces contrées étaient soit des possessions du Khan, soit des zones à conquérir. Il pouvait également s’agir de lieux où des émissaires étaient envoyés afin d’obtenir une soumission de leur part, ou encore des zones d’échanges commerciaux.

Certains historiens ont estimé que le Livre des Merveilles était une sorte d’encyclopédie, une géographie ou encore une chronique portant sur l’empereur. En réalité, l’ouvrage des récits de Marco Polo correspondrait davantage à un reportage.

Les missions de Marco Polo

Véritable homme de l’empereur Kubilai Khan, Marco Polo a effectué au moins cinq grandes missions, et d’autres qui restent encore à prouver. Il décrira de nombreuses curiosités qui intéresseront les rois en Europe ainsi que nombre d’explorateurs tels que Christophe Colomb et autres cartographes contemporains. Sa première mission se fera à Zhangye, dans l’actuelle province du Gansu. Il agira en qualité de messager dans une « affaire de rois » dont il devra rédiger un rapport à l’empereur.

Marco Polo résidera également trois ans à Yangzhou, une ville du centre (province du Jiangsu) conquise par les Mongols. Il effectuera un contrôle financier dans le port de Hangzhou à l’est, afin de vérifier que l’empereur n’était pas trompé. Il sera également envoyé comme ambassadeur au Vietnam, en Birmanie et en Inde.

La représentation du monde selon Marco Polo par Henry Yule (1871)
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Un homme curieux de tout

Marco Polo décrira d’innombrables curiosités mais parlera de choses très terre à terre telles que l’emploi du charbon, les procédés d’extraction de l’amiante, les jonques chinoises et évidemment l’usage du papier monnaie (billet de banque). Marco Polo décrira aussi de nombreuses épices, qu’il s’agisse de cannelle, de safran, de poivre, de clou de girofle, de noix de muscade, etc. Il fera d’ailleurs abondamment mention de spécialités culinaires diverses et variées.

Maîtrisant au moins cinq langues orientales et quatre systèmes d’écriture, Marco Polo pouvait également être considéré comme une sorte d’ethnologue. Il fit preuve d’une grande sensibilité à la diversité des sociétés sans émettre de jugements négatifs. Ses observations et la nature de ses récits visaient entre autres à faire prendre conscience à l’Europe que cette dernière n’était pas le centre du monde.

Ses récits sont également fournis en mythes, légendes et faits religieux. Il se rendra au Tibet et évoquera en détail les coutumes et tout ce qui se rapporte à la religion. En Inde, il fera par exemple mention du respect des vaches sacrées. S’il évoquera beaucoup le bouddhisme lamaïste, le taoïsme, l’islam et certains dérivés du christianisme (ex : les nestoriens), il parlera aussi de peuples animistes adorant des idoles. S’il n’émettra aucun jugement négatif, Marco Polo sera tout de même horrifié par la coutume d’une tribu de Sumatra. Sous l’impulsion des sorciers, les membres dévoraient les personnes malades après les avoir étouffées et mises à cuire.

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