Manger de la viande : qu’en pensent les philosophes ?

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De récentes recherches ont montré que la production de viande et de produits laitiers produisait plus de gaz à effet de serre que tous les transports réunis. Mais outre les effets environnementaux, c’est bien la condition animale qui a nourri la réflexion de nombreux philosophes pendant des siècles.

Joan McGregor, professeur de philosophie à l’Arizona State University, rappelle dans The Conversation quels ont été les différents points de vue au cours de l’Histoire.

Pourquoi blesser les animaux est immoral

Les philosophes grecs antiques ont fait valoir leurs arguments sur le statut moral des animaux. « Le mathématicien et philosophe grec Pythagore a par exemple plaidé contre le fait de manger des animaux, ceux-ci étant, comme les humains, habités par une âme ». Par ailleurs, « le philosophe Platon, dans le livre 2 de la « République », considérait la viande comme un luxe qui conduirait à une société insoutenable remplie de conflits et d’inégalités, exigeant davantage de terres et de guerres pour l’acquérir ».

McGregor poursuit son analyse en évoquant la pensée de Jeremy Bentham, père de la théorie de l’utilitarisme (les actions qui produisent le plus de bien et réduisent la souffrance dans le monde sont les bonnes) en 1789, soit deux mille ans plus tard. Ce dernier a souligné que l’animal souffrait moralement et que par conséquent, nous devons revoir notre consommation de viande. Il demandait alors : « La question n’est pas, peuvent-ils raisonner ? ni peuvent-ils parler ?, mais peuvent-ils souffrir ? Pourquoi la loi devrait-elle refuser sa protection à un être sensible ? (…) Le temps viendra où l’humanité étendra son manteau sur tout ce qui respire« .

Peter Singer, utilitariste moderne, demande donc quant à lui si nous avons raison de considérer notre plaisir et notre douleur comme plus importants que ceux des animaux. « En acceptant de soumettre les animaux aux souffrances de l’agriculture industrielle pour la production de viande, le philosophe définit alors l’Homme comme « spéciste ». Tout comme les racistes, les spécistes favorisent l’intérêt de leur propre espèce« .

De son côté, Tom Regan, philosophe des droits des animaux, fait valoir que les animaux sont « le sujet d’une vie« , tout comme les humains. Selon lui, comme les humains, les animaux sont des êtres qui ont des droits avec leurs préférences, leurs désirs et leurs attentes. L’utilisation des animaux en tant que ressources est selon lui immorale et profondément injuste.

L’Homme, exceptionnel

Des philosophes croyaient également que les animaux n’avaient pas de statut moral égal à celui des humains. L’exceptionnalisme humain repose sur la prémisse que les humains ont des capacités supérieures à celles des autres animaux : avoir des relations sociales (en particulier des relations familiales), la capacité d’utiliser le langage, de raisonner et de ressentir de la douleur.

« Le philosophe français du XVIe siècle, René Descartes, connu pour son dicton « Je pense donc que je suis », pensait que les animaux n’étaient pas conscients, n’avaient pas d’esprit et, par conséquent, ne ressentaient pas de douleur« , rappelle le philosophe. « Ils étaient, selon lui des « automates », des machines complexes. Ses vues ont d’ailleurs été utilisées par la suite pour justifier la pratique de la vivisection chez les animaux pendant plusieurs siècles ».

« Le philosophe allemand Emmanuel Kant, fit de son côté valoir que c’était la personnalité qui distinguait les humains des animaux« , poursuit-il. « Pour Kant, les humains fixent leurs propres règles morales basées sur la raison et agissent en conséquence. Chose que les animaux ne peuvent faire ».

Le cas moral de la viande

Des études récentes ont toutefois montré que les animaux ressentent des douleurs analogues à celles des humains et éprouvent des sentiments. Les animaux peuvent raisonner, communiquer entre eux, éventuellement utiliser le langage dans certains cas et se comporter moralement. « Ainsi, exclure les animaux de toute considération morale et manger des animaux ne peut être justifié par l’absence de ces caractéristiques ».

Si l’on se base, par ailleurs, sur l’idée de Kant, alors les nourrissons, les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou encore les personnes ayant une déficience intellectuelle pourraient aussi être considérés comme manquant d’autonomie rationnelle.

Enfin, McGregor pense que les animaux ont des droits et que leurs souffrances doivent être incluses dans le calcul des actions morales. « En tant que philosophe moral, je pense moi aussi que la souffrance des animaux dans la production de viande, en particulier la production de viande industrielle moderne, ne peut être moralement justifiée« .

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